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 Eclipse

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Akogare Hyuuga

Akogare Hyuuga


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MessageSujet: Eclipse   Eclipse EmptyVen 28 Juil - 20:03

[Concentration sur le personnage de Tael, notamment son passé.]

Acte I.


Le village de Konoha se dressait derrière elle, tandis qu'elle fendait les vents dans l'épaisse forêt qui l'entourait. Son long manteau volait derrière elle, laissant entrapercevoir le katana qu'elle portait à la ceinture.

Elle aime bien Konoha. C'est un village agréable. Ces temps-ci il est calme, permettant à la femme de vaquer à ses occupations à toute tranquillité.

Tael s'enfonce dans la nuit. Les distances ne sont pas un problème pour elle, mais aujourd'hui elle apprécie la compagnie de la lune. De plus, elle n'est pas réellement pressée et sa destination est relativement proche.
Elle porte son masque, comme à son habitude.

Elle s'arrête devant une petite grotte, vaguement dissimulée derrière quelques buissons. Parfaitement sereine, elle s'enfonce dans les ténèbres. Il y a des torches, plus bas, qui éclairent maladroitement l'étroit chemin. Sa main ne quitte pas le mur, ses doigts courent sur sa surface rugueuse. Simple précaution.

Pendant sa progression, elle se demande combien de fois elle a fait ce chemin. Trois, quatre fois ? Elle n'aime pas beaucoup venir ici. Cela a toujours été pour de mauvaises raisons. C'était généralement annonciateur de problèmes. La dernière fois, c'était il y a un peu moins d'un an.
Elle a subit un revers par la faute de l'occupant de cette grotte. Un revers, dans l'esprit d'un adolescent aux yeux blancs.

Une porte se dresse devant elle, encadrée par une lumière diffuse. Tael l'ouvre. Il y a un homme, assis à une table. Il lève lentement les yeux vers la femme qui se tient devant lui. Patient, il réprime un soupir.
L'homme dépose les outils qu'il tenait en main, et il abandonne son ouvrage.

Tael incline légèrement la tête sur le côté.


[Homme]"Tiens, l'estropiée."

Tael serre les dents. L'homme boîte en s'approchant d'elle. Il a ce sourire en coin insupportable, ce pli sarcastique. Il lui rappelle qu'elle a déjà échoué, il n'y a pas longtemps. Il lui rappelle qu'elle n'est pas invincible.
Elle déteste ce sourire. Elle déteste cet homme.


[Tael]"Bonjour, sculpteur."

Il grogne. Donner un âge à cet homme est délicat. Il pourrait avoir entre trente et cinquante. Son vêtement est tâché de glaise et de terre. Il se penche au dessus d'un bacquet d'eau propre et se lave le visage en toute tranquillité, comme si cette visite était prévue, voir même secrètement désirée.

[Homme]"Tu veux ?"

[Tael]"Oh, ne fais pas ton innocent je t'en prie."

Il ricane et jette sur la femme un oeil mauvais.

[Homme]"Innocent, hé ? C'est à cause des trois soeurs ?"

Tael hoche la tête. Il retourne s'asseoir et dévisage la femme masquée. Il caresse amoureusement le visage en construction qui trône sur sa table de travail. Il n'en est qu'à ses balbutiements, encore trop grossier pour représenter quoique ce soit.
Lorsque cette dernière reprend la parole, sa voix a changé, elle est devenue plus dure, masculine et tranchante, une voix d'homme mûr.


[Tael]"Elles sont à ma recherche."

Il hausse les épaules.

[Homme]"Et tu as peur ?"

Tael sourit. Un sourire carnassier, presque cruel.

[Tael]"Elles sont trop lentes. Je veux les rencontrer."

L'homme ricane une nouvelle fois. Il arrête de toucher sa création, et plante ses yeux dans ceux de la femme.

[Homme]"Ne les sous-estime pas. Elles sont immortelles."

La salle est petite. Une cheminée, ou plutôt un four, est coincé dans un côté. Il règne une chaleur étouffante. Les murs sont pleins d'étagères où reposent divers outils et quelques créations. De plus lourdes sont posées contre les murs. Tout un monde est concentré ici.

[Tael]"Elles apprendront à mourir. Dis moi simplement où elles sont."

[Homme]"Sinon ?"

La voix de Tael change une nouvelle fois, prenant le timbre fluet d'une enfant.

[Tael]"Sinon, ton monde s'écroulera."

[Homme]"Menace ?"

[Tael]"Constatation."

Il se lève. Il est plus petit que Tael. Mais il se rapproche de cette dernière sans ciller.
Elle n'a jamais aimé venir ici. L'odeur est nauséabonde, la vieille glaise s'entasse et empeste la salle. De plus, il fait trop chaud. Mais cet homme est le seul qui puisse la renseigner.


[Homme]"Si tu vas au Sud d'ici, jusqu'à un temple qui borde une rivière, elles viendront."

[Tael]"Tu mens très mal, Nendo."

Il ricane. Elle déteste ce rire condescendant. Surtout lorsque d'une pichenette, elle pourrait le briser.
Nendo se targue de créer la vie, de la cristalliser dans un support immortel. C'est un petit présomptueux. Il a du talent, oui, c'est indéniable. Une étincelle de génie habite ses oeuvres difformes. Mais il ne les expose pas, il les garde pour lui, car le monde n'est selon lui par prêt à le recevoir. Il vit en reclus, car il pense que c'est de ça que tient son génie.


[Nendo]"Je n'ai jamais dis qu'aucun piège ne t'y attendais. Tu mourras, Tael. C'est écrit. Je le vois tous les jours, dans mes oeuvres. Tous les jours, je te vois chuter et mourir. Ton masque brûlera. Et de ta propre lame, tu trouveras la mort."

Nendo a acquis une sorte de prescience. Il l'a peut-être toujours eu. Mais lorsqu'il sculpte, lorsqu'il s'immerge dans son monde, il arrive que des visions l’assaillent.
Tael désigne son travail actuel.


[Tael]"C'est moi ?"

[Nendo]"Oui, je connais ton vrai visage. Quand j'aurais fini mon travail, c'est que tu ne seras plus de ce monde."

Tael hoche la tête. Elle se retourne et ajoute.

[Tael]"Je reviendrais te tuer dans ce cas, Nendo."

Nouveau ricanement glacial.

[Nendo]"Ta chute sera bruyante, Tael. Tu es montée trop haut."

Tu es montée trop haut. Tu as effleuré les étoiles et embrassé la lune. Le ciel t'a accueilli en son sein, mais tu t'es détournée.
Tu as fais ton choix, et tu es prête à l'assumer.


[Tael]"Oui. J'ai embrassé la lune."

C'était un murmure faible, la voix de l'enfant. Elle sort.

Sans hâte, elle marche sous la caresse du vent printanier.

Tu es inquiète. Tu le caches, mais tu ne peux te mentir à toi-même. Tu sais que ta mort est envisageable. Tu n'as pas envie de mourir. Tu es profondément humaine. Tu tiens à la vie, tu t'y es attachée sans même le vouloir. Mais rien ne fera vaciller ta volonté. Tu es trop forte pour cela.

Tu retires ton masque, le jette à terre. Ton manteau le rejoint, le dissimule aux regards nocturnes. Bientôt, tu es nue, bientôt tu pénètres dans la rivière endormie. Tu n'as pas peur de la réveiller, tu ne la crains pas. Elle demeure muette et t'accueille en son sein, dissimule tes courbes coupables, cache ton visage.

Tu restes de longues heures. Tu aimes le contact de l'eau sur ta peau nue. Tu l'aimes, parce que de ce simple fait, tu sais être vivante. Ton corps te demande de sortir, il te dit qu'il a froid. Mais tu restes, car tu aimes cette sensation qui brûle ton coeur.

Enfin, tu quittes l'eau. Tu restes étendue dans l'herbe, ruisselante. Tu fermes les yeux. Bientôt, tu t'endors. Tu sais que tu ne crains rien. Tu sais que personne ne te verra. Tu dors apaisée, tranquille, comme une enfant assoupie sur la poitrine de sa mère.

Tu ne crains personne. Ce n'est pas du courage, ce n'est pas de la bravoure. Non, c'est de l'indifférence. Oui, l'indifférence. C'est la seule chose qui te fasse trembler. L'indifférence. L'absence de sentiment. Tu crains cette indifférence. Tu la crains de toute ton âme, car tu l'as été.
Ce temps est passé, oui. Mais tu vis avec cette appréhension de retomber, de chuter dans cette spirale du Rien, dans ce néant nébuleux.

Tu ne crains personne.

Seulement toi-même.


Dernière édition par Akogare Hyuuga le Lun 26 Jan - 18:56, édité 3 fois
Akogare Hyuuga

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MessageSujet: Re: Eclipse   Eclipse EmptySam 29 Juil - 13:05

Acte II.


Tael se rhabille rapidement. Elle ne met pas tout de suite son masque. Non, elle veut défier le soleil. Elle veut aller à la limite, à l'entre-deux, elle veut danser sur ce fil qui sépare lumière et obscurité, ce fil qui porte le nom d'aube.

Elle repart rapidement. Elle sait qu'elle doit se hâter désormais. Nendo a beaucoup de défauts. Mais ses prédictions forment réellement un futur possible. Tael a déjà pu le goûter. C'est amer de voir sa petite face s'illuminer de joie quand il apprend l'échec.

Elle secoue la tête, et d'un même mouvement fige son masque coloré sur son visage. Elle sourit.

Tael manipule la réalité. Elle la module dans son esprit, la plie à sa volonté. Le temps devient une notion parmi les autres, un obstacle d'enfant. Quand elle se déplace dans son monde, elle devient invisible. Elle sait juste où elle va, intuitivement.
Lorsqu'elle manipule la réalité, le monde se tord, les couleurs se mélangent, s'embrassent. Elles essayent de fuir, mais Tael les retient d'une main d'airain. Arrivé à bon port, la femme reforme la réalité, comme si de rien n'était.
Pour les spectateurs, il n'y a rien d'étrange. Une femme vient juste d'apparaître au beau milieu de la place, voilà tout.

Un profond sentiment de sécurité l'enveloppe quand elle est dans sa réalité. Personne ne peut la suivre, à moins d'avoir le don.
Et personne ne l'a.

Tu es sereine. Tu sais que la bataille se rapproche. Et pourtant, tu sens une ombre de doute en toi, qui recouvre ton coeur. Tu la sens, et cela t'effraye. Sans peur, tu avances vers ta mort possible, vers un échec fatal qui risque de se profiler. Tu le sais.

Elle s'arrête. Il y a quelque chose. Maintenir la réalité stable lorsque l'on est immobile est délicat, assez ironiquement. Elle relâche sa pression.

Elle est dans un village, un hameau en vérité, juste quelques maisons, un grand bâtiment, et une poignée de personne. L'après-midi est bien avancée. Elle commençait à fatiguer. En silence, elle pénètre dans le village. On la dévisage, elle n'en prend pas ombrage. Elle s'arrête devant une adolescente souriante.


[Tael]"Bonjour toi."

La gamine rougit. Tael a le ton calme de la femme, ce ton si rassurant, si caressant. Elle sourit.

[Tael]"Dis moi, tu aurais à manger pour moi ?"

La gamine hésite, se tourne vers ses parents. Puis elle hoche la tête vigoureusement et s'en va. Tael reste agenouillée, patiente. Malgré tout, elle ne peut échapper à la faim. Le revers de la médaille, lorsque l'on est vivant on doit accepter la plupart des facettes présentes.
La petite revient, radieuse, avec un petit sachet.

Tu la remercies, et tu t'en vas. Son visage souriant d'enfant t'accompagne alors que tu épouses les ombres. Tu aimes les sourires. Cette enfant aurait pu être ta fille. Elle ne l'est pas. Tu l'aurais senti. Mais elle aurait pu.
Tu n'aimes pas cette pensée. Et pourtant, elle t'agresse à chaque fois.

La nuit est complète. Tael ne manipule plus la réalité. C'est un exercice délicat, même si elle le fait sans y penser. L'exécuter en étant épuisé est dangereux. Se perdre dans un pays rêvé est sans aucun doute l'une des plus terrible chose. La mort peut survenir sans prévenir, échappant à la logique qui régit normalement le monde.
Tael en a déjà fait l'expérience. Elle n'a due son salut qu'à la chance, son esprit s'éveillant soudainement.

Elle frissonne et s'arrête contre un arbre.


[Tael]"Je sais que tu me suis."

Un oiseau s'arrête sur une branche, sous le regard dur de la femme. Ce n'est pas tout à fait un corbeau, mais la nuit le dissimule parfaitement. Son oeil luit sombrement sous la caresse de la lune.
Le volatile secoue la tête, un homme apparaît, tranquillement assis sur la branche dans une pluie de plumes noires.


[???]"Tael. Ne poursuis pas ta route. Tu sais que la mort t'y attend. Je ne souhaite pas que tu meures."

[Tael]"Je ne compte pas mourir, karasu."

Elle ne l'appelle pas par son nom, il grimace. Il n'aime pas ce surnom. Il n'est pas un corbeau.

[???]"Tael, j'ai promis."

Il a la gorgé nouée à son ton. Mais son oeil est déterminé.

Déterminé. Tu sais ce que cela veut dire. Il ne reculera pas. Tu sors ton katana à moitié, la lame glaciale rencontre les rayons de la lune. L'homme hoche la tête, et tombe au sol. Il sort son arme. Tu n'as pas envie de te battre contre lui. Tu n'en as vraiment pas envie. Tu te dégoûtes toi même, tu te hais. Mais tu dois le faire. Tu dois avancer, tu dois rencontrer ton destin.

Ton fourreau tombe à terre, ton manteau le suit dans sa lente chute. Un seul bras. Ta main valide est serrée sur le manche du katana. Tu t'approches. Tu rencontres ton destin.

Les coups volent. La femme est plus forte, c'est visible. Elle est désespérée. Il lui faudrait juste un mouvement pour terminer le combat, pour mettre un terme au calvaire du jeune homme.
Mais elle n'y parvient pas.
Elle se recule, elle rompt le combat, la lame baissée.


[Tael]"Karasu... Dégage. Tu ne peux rien."

Il sourit. Il sourit. Déterminé. Sa vie lui importe peu. Il veut honorer sa promesse.

Karasu, tu es un imbécile. C'est ce que tu penses alors que tu t'avances à nouveau vers lui. Tu te souviens des jours plus heureux, des jours où tu n'avais pas à sortir ta lame. Tu te souviens d'un souffle, d'un souffle chaud contre ton cou adolescent. Tu te souviens de caresses, de baisers tièdes. Tu te souviens de frissons délicieux, tu te souviens de ta vie passée.
Karasu t'avais toujours admiré. Il a toujours su que tu lui étais infiniment supérieure. Il t'admirait, et toi, toi tu aimes son frère, l’être le plus cher qui caressa ta vie. Tu étais éperdument amoureuse de lui. Tu te souviens. Tu n'aimes pas, mais tu te souviens. Tu as mal ? C'est normal. Mais cette douleur, aussi détestable soit elle, est apaisante. Tu n’oublies pas, c'est bien.

Tael fait quelques pas rapides. Karasu ne peut les suivre, il met genou à terre. La lame de la femme s'enfonce dans son torse. Elle n'a pas hésité. Pas une seconde. Le sang coule, tombe au sol.
Elle retire la langue d'acier, la plante au sol. Tael s'agenouille. Avec lenteur, avec une précaution infinie, elle ôte son masque et le pose sur ses genoux.
Un sourire triste étire ses lèvres.


[???]"J'aime quand tu souris."

Elle hoche la tête. Leur souffle est court. Tael pose ses doigts sur la main de karasu. Elle ferme les yeux.

[Tael]"Elles me rappellent beaucoup de choses, ces mains."

Il sourit à son tour. La blessure n'est pas mortelle. Tael est toujours précise. Si un ennemi doit vivre, il vivra. Elle sait juger d'un seul coup d'oeil la résistance d'un adversaire. Et c'est pour ça que Tael appartient aux meilleurs.

[???]"Tu vas continuer ton chemin."

De nouveau, elle opine.

[Tael]"Oui, mais tu as tenu ta promesse, karasu. Tu as tenu ta promesse."

Il secoue la tête.

[???]"Si c'était le cas, tu baignerais dans ton sang, et moi, moi je prendrais soin de toi. Je te veillerais pour te garder en vie. Comme je l'ai promis."

Tael sourit. Elle rapproche son visage de celui de karasu. Ses lèvres dessinent ses lignes, elles s'imprègnent de souvenirs perdus. Elle sourit une nouvelle fois. Karasu ne bouge pas, il laisse Tael reprendre une partie de son passé.
C'est sans surprise qu'il sent une goutte lui glisser sur le nez.

Tael se recule. Elle n'essuie pas ses yeux embués. Elle a les lèvres serrées. Karasu hoche la tête plusieurs fois. Tael ramasse ses affaires, et après un dernier regard, elle repart.

Karasu reste à genoux, sur le sol humide de cette terre désolée. Il lève une main sans force à son visage, et recueille la larme de Tael. Il sait qu'il a échoué. Il sait que sa promesse vient de se briser sous ses yeux.


[???]"Pardon..."

Tu t'enfuis. Tu cours, tu as mal aux côtes. Tu fuis ton passé, ton passé que tu viens de rencontrer. Tu as toujours apprécié karasu. Karasu. Le Corbeau. Tu ne l'appelles pas par son vrai nom. Trop de souvenirs. Trop douloureux. Il le sait, et te pardonne.
Tu as aimé son frère. Tu l'as aimé de toute ton âme, tu lui as donné en souriant ton coeur. Il l'a accueilli avec émotion, et en a prit soin.
Tu l'aimes toujours aujourd'hui. Tu l'aimes. Tu l'aimes. Tu peux le dire, tu peux le crier et le chanter. Tu peux en rire.
Tu te détestes, mais tu l'aimes.

Plus jamais. Tu ne veux plus jamais faire d'erreur. Mais tu es peut-être en train d'en faire une en cet instant précis. Ta vie n'est pas un conte.

Sa vie n'est pas un conte.
Akogare Hyuuga

Akogare Hyuuga


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MessageSujet: Re: Eclipse   Eclipse EmptyDim 30 Juil - 17:05

Acte III.


Elle est arrivée.
Un temple se dresse devant elle, vieux et usé, enjambant avec une élégance fatiguée la rivière joyeuse. Il est partiellement en ruine, n'ayant pas été correctement entretenu depuis un bon moment. Pourtant, dans sa façon de se dresser seul contre les arbres, on peut observer une certaine gloire, un prestige désormais oublié.
C'est une région assez reculée, tout au sud, et peu de gens doivent passer par les sentiers que Tael devine cachés dans les fourrés.
Elle se défait de son arme, et s'assoit contre la ramure d'un arbre.

Ses yeux se ferment. Elle a encore le temps. Les trois soeurs ne sont pas arrivées. Elles ne sont pas ici. Avec réticence, Tael laisse ses souvenirs caresser son esprit. Ils sont craintifs, encore timides. Mais elle n'a pas la force de les repousser.

Non, tu n'en as pas la force. Tu es fatiguée de te cacher la vérité, d'occulter cette partie de ta vie, ce fragment béni où tu étais heureuse.

Ce fragment où nous étions réunis, Tael.

C'était dans un village oublié, perché sur une montagne plus haut, au nord. Elle était réputée inhabitable, et de fait, inhabitée. Mais Tael a grandit là-bas il y a bien des années maintenant. Bien des années.
Ce n'était pas un village de guerriers. Mais Tael était devenue ce qu'il convient de qualifier une gardienne.

Toi, moi, et karasu. Nous formions la seule arme du village. Et quelle arme ! Nous aurions pu mettre à terre des légions entières, nous aurions pu défier le soleil qui nous dévisageait de toute sa hauteur. Nous aurions pu, mais nous n'en avons rien fait. Nous étions heureux, nous n'avions pas besoin de combattre. Nous ne le faisions que pour rire et entre nous.

Tu nous battais tous les deux, karasu et moi. Même lorsque nous unissions nos forces, il te fallait moins d'une dizaine de seconde pour nous vaincre. Je t'aimais. Oh, oui, je t'aimais. Tu le devinais, je pense. Non ?

Kaban. C'était son nom. Elle est tombée amoureuse aussitôt, sans s'en apercevoir. Ils ont vécu de nombreuses années ensemble, dans les bras l'un de l'autre. Il était profondément bon. Ce mot avait un sens.
Tael s'est laissée bercer par son amour.
On se sent vite immortel, à seize ans.

Tael secoue la tête. Le temple est toujours là, elle s'est assoupie. Elle se relève. Un bruit avait éclaté, sur sa droite, léger, presque inaudible. Mais personne ne peut prendre en traître la guerrière masquée. Elle s'approche du temple, feignant la surdité sans oublier toutefois son arme. Il y a un pont branlant, d'une beauté ternie, qui unit les deux rives.
Un nouveau bruit.

Quelqu'un veut qu'elle se retourne. Oui, c'est un piège. Grossier. Tael bondit devant, s'élançant vers le pont. Une volée de projectiles s’enfonce dans le sol mais d'une glissade elle les évite. Elle se redresse d'une impulsion de la paume. Le bois craque sous ses foulées, le pont ne tiendra pas le prochain été.

La lame de Tael illumine la clairière, le soleil s'admire un instant dans ce miroir glacial.

Elle s'arrête, son manteau claque sèchement. Elle est sur la rive opposée. Son masque grimace à ses ennemies, il grimace et les défit.

Approchez. Tu n'as pas peur. Tu es heureuse. Tu sais que tu vas rencontrer ta mort. Et, de tous tes souhaits, c'est lui le plus vivace, le plus sauvage, le plus incroyablement indomptable. Tu désires la mort, tu la courtises.
Et pourtant, tu la détestes. Tu es pleine de paradoxes.

Deux formes se matérialisent lentement devant la femme masquée. Une brume qui bientôt prend de la consistance. Tael reste sereine. Ce sont deux femmes, à en juger par leur maintien. Deux guerrières. L'une porte un naginata incliné, et l'autre vient de sortir deux lourds katana.
Toutes deux sont masquées également. Il n'y a là aucune couleur, contrairement à celui de Tael. Ce sont deux masques de mort, deux alarmes silencieuses.

Elles sont indéniablement puissantes. Tael le sent. Et, il manque la dernière.


[Tael]"Bonjour."

Elles ne répondent pas. Tael sourit. Elles savent que leur adversaire est forte. C'est flatteur, et tellement vrai.
Elles portent une armure légère, des plaques métalliques qui ne doivent pas entraver de beaucoup leur mobilité.

Ce sera un combat âpre.

Tu n'es pas pressée. Tu n'as pas envie de précipiter les choses. Dans une vie, il faut faire attention à la manière dont on meure. Je te l'ai dis autrefois. Tu détestes cette phrase. Tu détestes beaucoup de choses. Mais tu m'aimais. Tu m'as perdu. Alors tu te bats, tu te bats de toute ta rage, de toute ta haine et de tout ton amour pour me rejoindre, pour trouver à ton tour la mort. Retrouver, plutôt.
Tu as choisis. Ce sera l'arme à la main que tu tomberas. Et si les trois soeurs sont des bourreaux aptes à t'alléger de ta tête, qu'il en soit ainsi.

Mais avant, tu souhaites te souvenir.

Nous étions dans le jardin. Cela faisait bien trois ans que nous étions amoureux. Nous quittions lentement la folie adolescente. Notre amour n'a pas faiblit. Nous étions fait pour être ensemble et nous l'acceptions pleinement.
Tu étais dans mon dos. Ta tête reposait sur mon épaule nue. Je te sentais tendue, distante. Puis, tu as eu cette phrase, cette phrase qui résonne toujours au creux de mes oreilles, même aujourd'hui.


[Tael]"Je suis enceinte."

Tu avais souvent eu des prémonitions similaires. Tu as souris, un sourire triste, le sourire d'une fleur qui se fane. Avoir un enfant, dans notre village, signifiait beaucoup. Plus encore quand l'union n'est pas officielle.
Tu avais peur. Tu étais terrifiée.
C'est ici que tu as fais une erreur, tu le sais. Tu le sais, et tu t'en veux.
Comme je t'en avais voulu à l'époque.

Tu t'es emmurée. Tu t'es emmurée dans une indifférence totale, glaciale, mortelle. Tu ne me jetais pas même un regard, ne me parlais pas plus. J'étais devenu aussi vivant qu'une feuille d'automne. Tu as serrée mon coeur si fort qu'il en saigne toujours. Tu l'as jeté à terre, et royale, tu l'as piétiné.

Tu as compris ton erreur que trop tard.

Les deux soeurs s'avancent. C'est une tentative anodine de contournement. Mais, Tael se sent faible. Elle ne s'est jamais sentie aussi misérable. Elle secoue la tête lentement, le regard baissé au sol.


[Tael]"Ce n'est pas vrai."

Tu ne peux le nier, ma belle Tael.

[Tael]"Je ne l'ai jamais voulu. Tu le sais."

Oui, oui je le sais. Je sais que tu m'aimais toujours. Je sais que tu étais celle qui souffrait le plus. C'est pour cela que j'ai continué à t'aimer, je ne pouvais faire autrement et je savais qu'un jour tu me reparlerais.

[Tael]"Je ne l'ai jamais voulu. J'ai essayé de te parler. Mon ventre s'arrondissait. Tout le monde le voyait. Les murmures s'amplifiaient. Ils se répandaient telle une traînée de poudre, corrosifs et mauvais, tranchants comme la mort."

Oui, et nous avions mal. Karasu nous dissimulait, nous défendait. Il était brave. Ce jour là, tu étais partie seule. Je sais pourquoi tu étais partie. Tu savais avoir fait une erreur, tu cherchais la force pour te l'avouer à toi-même, et pour venir me l'annoncer. J'étais fier de toi, si fier !

[Tael]"Je cherchais la force. J'ai pleuré, j'ai crié, je me serais tuée si je ne devais pas te parler. Je suis revenu te parler."

Tu es revenue. Tu as vu karasu. Il avait la mine sombre des mauvais jours. Tu es rentrée dans ma tente, il t'a stoppé d'un bras. Il a levé les yeux vers toi, et il t'a parlé.

[Tael]"Il m'a parlé."

Il t'a dit que Kaban était mort. Il t'a dit qu'une maladie m'avait vaincu. J'étais malade depuis longtemps, tu le savais, nous le savions tous les trois. Tu n'y pouvais rien. J'aurais tout donné pour passer mes dernières minutes avec toi, en un tout dernier baiser, en une ultime phrase.
Ils m'ont prit ma vie, mais ne m'ont rien donné.
C'est venu soudainement. J'ai su tout de suite que c'était mon dernier combat. Je ne savais pas où tu étais parti, je ne pouvais t'appeler à mes côtés.


[Tael]"Je me suis laissée mourir."

Oui. Tu t'es laissée mourir.

Les deux soeurs s'étaient arrêtées. Elles bondirent alors sur Tael. La femme laissa son sabre tomber. Elle leva le regard sur ces adversaires.

Tu te laisses mourir.

Un battement d'ailes, une gerbe de sang. Tael a les yeux clos. Elle ne sent pas les lames dans son corps, elle ne sent pas ses entrailles glisser au sol.
Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle voit un homme plié et en sang. Deux extrémités d'acier lui percent le dos.

Tu connais cet homme. Des larmes coulent le long de tes beaux yeux.

Tu as mal.
Akogare Hyuuga

Akogare Hyuuga


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MessageSujet: Re: Eclipse   Eclipse EmptyLun 31 Juil - 12:37

Acte IV.


Les lames se retirent, l'homme tombe à terre.

Il n'émet pas un bruit, pas le moindre gémissement. Le silence s'abat sur la clairière, étouffant, glacial. Tael contemple le dos troué qui s'offre à elle. Elle pleure. Elle lève une main à peine tremblante et la plonge dans la chevelure de l'homme.

Les deux soeurs attaquent de nouveau, sans pitié. Mais Tael est plus vive, plus dangereuse. Elle plonge au sol, ramassant son arme déchue, et bloque d'un mouvement ses deux ennemies. Elle les repousse avec toute la rage, toute la haine dévorante qui se déverse dans les fins canaux de son corps.

Puis, tu t'arrêtes.

Tael se tourne vers l'homme qui se tient toujours sur les genoux, une main sanglante posée sur son torse.


[Tael]"Karasu."

Il sourit. Il est heureux de mourir aujourd'hui.

Il est heureux de mourir pour toi. Il ne veut pas que tu meures, il m'a promis de te protéger. Je ne veux pas que tu meures Tael. Ta place n'est pas à mes côtés, je te supplie de m'écouter. Tu dois vivre. Tu dois respirer cet air frais, du dois vivre cette vie. Je t'ai déjà repoussé une fois. Je ne pourrais pas le faire une seconde. Ne me tente pas, Tael. Ne me tente pas. Je t'en supplie, vis.

La main de karasu caresse avec lenteur la jambe de Tael. Elle s'arrête à sa taille. Il ferme les yeux pour préserver son souffle qui se raréfie. Ses poumons se vident lentement, son coeur se fait moins vif. Mais il sourit toujours.


[Tael]"Gisei, ta promesse est honorée."

Il hoche la tête douloureusement. Ses mains continuent leur ascension. Derrière, les soeurs s'approchent. Elles ne comptent pas laisser de répit à Tael. Gisei ôte avec douceur le masque de la femme et le serre contre son genou endormi. Elle le regarde faire, ne le retient pas et lui sourit. De lourdes larmes glissent sur ses joues rosées, ses beaux yeux noirs brillent tristement. Il caresse son visage, ses paupières se ferment.

[Gisei]"Tu vas vivre Tael ?"

Elle enfonce un bref instant sa tête contre l'épaule de l'homme agonisant. Ses blessures sont trop profondes. Les coups étaient destinés à tuer, le foie est perforé, la colonne vertébrale touchée. La femme le sent, rien qu'en touchant Gisei.
Elle pleure. Cela fait longtemps qu’elle n’a tant pleuré. Elle a le goût salé de ses propres larmes dans la bouche.


[Tael]"Oui, Gisei. Je vivrais."

Elle se lève, son regard ne quitte pas l'homme agenouillé. Une des guerrières envoie son katana en avant, avide de percer le dos de son adversaire. Tael pare l'attaque.
Karasu glisse lentement au sol. Il ne ferme pas les yeux, mais la lumière qui y gisait s'éteint lentement. Et avec elle, la dernière trace du passé de Tael.

La femme se tourne, esquive un nouveau coup. Elle pleure toujours, ses cheveux libres collent à son visage.
Une lame traverse la manche vide de son manteau. Elle bloque la lame, enfonce la sienne dans le corps exposé de la soeur. Son sang coule le long de l'acier mordant, trempe la main nue de Tael.

Elle ne gémit pas. Tu es embarqué dans un combat à mort. Gisei est tombé. Tu l'aimais beaucoup, même si tu t'es détourné de lui après ma mort. Après ta mort surtout. Tu as refusé de le revoir, tu ne voulais plus de ce passé décrété maudit. Pourtant, ce passé te rattrape.
Et karasu est mort, envolé comme l'oiseau qu'il a toujours été.

Tael danse avec ses adversaires. Ensembles, elles sont presque aussi fortes que la guerrière aux cheveux mauves qu'elle avait combattu, chez Akogare. Tenshi. Une femme merveilleuse. Tael lui doit son bras manquant.
Mais aujourd'hui, elle se bat pour quelque chose de nouveau. Un sentiment ancien, presque oublié. Ce n'est pas de la fierté, ce n'est pas de la joie. Non, c'est une forme dérivée. Elle se bat pour vivre.

Ton sang coule. Mais l'une de tes adversaires est à terre, gémissant faiblement. La bataille continue, même si ta main moite glisse par la faute du sang de tes ennemies et de ta propre sueur, unis sombrement sur ton arme.

Pendant qu'elle se bat, Tael pense à autre chose. Son corps sait se défendre seul, et la soeur isolée est cruellement amoindrie.

Elle se souvient du visage souriant de karasu, alors qu'il mourrait, il y a quelques instants à peine. Il restera toujours karasu, quelque part en elle. Un être qui de son aile ténébreuse avait protégé son amour, dissimulant son frère et elle-même aux yeux des autres. Il était bienveillant.
Aujourd'hui, il est tombé pour honorer sa promesse.

C'était sur mon lit. J'allais mourir bientôt, je savais que tu t'en voudrais de ne pas avoir été là. J'ai demandé à Gisei de ne pas te perdre de vue, de te protéger.
Il a échoué une fois, il a toujours vécu avec cet échec dans l'esprit. C'était comme un poison dans une rivière, tuant toutes ses pensées, toute sa vie. Tu comprends pourquoi il a préféré se délivrer de cette dernière pour préserver la tienne.
C'était en une froide matinée d'hiver. Tu dois t'en souvenir. Oui, je vois que oui. C'est profondément ancré en toi. Tu marchais avec lui, souriante et mélancolique. Vous parliez à voix basse. C'était sur une petite montagne, teintée de blanc. La neige tombait, vous vous êtes arrêté sur un petit promontoire rocheux. Tu voulais qu'il parle de moi, il le fait. Il a mal en se souvenant de tout cela, mais il le fait car il t'aime beaucoup.

Tu te tournes vers lui, un sourire illuminant ton visage merveilleux. Tu souris comme tu n'avais jamais souris depuis plusieurs années. Il comprend aussitôt, secoue la tête, s’apprête à parler.
Trop tard, tu sautes.
Il s'est avancé lentement. Un rideau de larmes barrait son visage gelé, alors qu’il continuait à secouer la tête, le cerveau figé. Il a jeté un oeil par dessus le vide. Tu étais éclaté en bas, sur le sol, une tâche de sang imprégnant lentement la neige pure. Ton corps était désarticulé, mais gracieusement déposé, comme une feuille agonisante que le vent a daigné porter une dernière fois.
Il est descendu, et a porté ton corps des heures durant. Il a pleuré, il a crié, mais tu ne revenais pas. Un sourire restait figé sur ton visage, dévisageant constamment Gisei.

Tu as effleuré les étoiles et embrassé la lune. Je t'ai repoussé. Tu as eu mal au coeur, tu as cru que je te haïssais, que je t’en voulais de ne pas avoir été là. Je t'ai repoussé, je t'ai repoussé. Tu es revenue parmi les vivants. La vie était terne pour toi. Sans attraits.
Mais tu étais en vie, et s'était pour moi le plus important.

Tael plante son arme dans la poitrine de la guerrière. Elle n'arrête pas sa course, elle court, emportant son ennemie gémissante avec elle. Elle tombe à terre et pleure. Elle pleure sur le corps chaud d'une ennemie mourante. Ses larmes coulent sur le cou de la soeur, elle frissonne. Elle sent la mort s'approcher. Leurs yeux se rencontrent.
La soeur retire son masque, ses doigts fuselés tremblent, elle a besoin d'air, elle veut connaître le baiser du vent avant de disparaître.
C'est une adolescente. Elle a un visage fin, elle a peur. Elle sait qu'elle va mourir, que sa formidable carrière s'achève aujourd'hui. Elle est tombée sur plus forte qu'elle. Elle pleure. Elle pleure et ses larmes épousent celles de Tael.

Tu as toujours eu des prémonitions. Tu sais que cette fille ne peut pas parler. Tu sais qu'elle est muette, que la vie l'a privé de parole. Mais tu sais aussi ce qu'elle désire, ce que son coeur souhaite plus que tout. Tu hoches la tête, et accède à sa requête.
Avec précaution, tu la portes au côté de sa soeur allongée. Tu as la gorge nouée. Tu n'es plus la guerrière d'hier. Tu n'arrives plus à tuer froidement. Hier, un enfant n'était qu'un bout de chair, une arme potentielle inutilisée. Aujourd'hui, aujourd'hui tu as mal.
Tu la déposes avec soin, et tu leur laisse leur derniers instants intimes, leur dernière étreinte avant la mort. Tu entends la voix de la seconde s’élever, basse, murmurante et aimante. Tu fermes les yeux. Tu t'éloignes, vacillante, et t'effondres sur le corps sans vie de mon frère. Tes larmes continuent de s'écouler naturellement.

La nuit tombe. Tael est restée prostrée sur le corps de Gisei, silencieuse, n'écoutant que les remous de l'eau et les éclats nocturnes. Le flot de ses larmes s'était tari. Elle l'avait contenu d'une main de fer, impitoyable des années durant. Maintenant, ça ne rimait plus à rien. Son passé s'écroulait, il ne lui restait plus que l'avenir vers qui se tourner. Un avenir au goût salé.

Tu te redresses, et d'une manche t'essuie les yeux et le visage. Tu renifles plusieurs fois, te passe une main dans les cheveux. Tu as toujours tes mèches rougeoyantes, je vois. Je les adorais. C'était inexplicable, mais tu étais incroyablement charmante avec. Tu l'es toujours apparemment.

Tu caresses le visage de Gisei. Il sourit toujours, lui aussi. Comme toi, lorsque tu es morte. Tu lui fermes les paupières.


[Tael]"Repose toi, Gisei."

Elle a la voix brisée, sèche et rauque. Elle se tourne dépose son manteau sur le corps battu par le vent. Elle se tourne vers les deux soeurs. Les deux ont le visage découvert, leurs nez se touchent presque. Elles sont toutes deux profondément endormie.

Tu es la seule vivante de cette clairière oubliée des dieux et des hommes. Tu renais ici, ici où chacun meurt. Tu n’es pas pressée. Une par une, tu portes les deux soeurs au pied du temple. Tu les allonges soigneusement, dépose leur bras le long de leur corps jeune. Tu vas jusqu’à la rivière, mouille ton chemisier et nettoie leur chair, leurs plaies. Elles sont froides.
Tu déposes les masques contre le vieux bâtiment, au dessus de la tête des adolescentes. Leurs armes reposent à leur côté également. Elles sont tâchées de sang, tu les laisses ainsi. C'est ton sang. Le sang de celle qui leur a retiré la vie, elles méritent de garder ce trésor, ce trophée sanglant.

Tu les dévisages toutes deux. Tu les as recoiffé, rhabillé avec soin, avec une sorte d’amour, oui. Elles sont jolies, comme deux enfants qui s’apprêtent à faire une représentation théâtrale. Tu veux qu’elles soient belles pour leur dernier voyage. Tu y tiens vraiment, sans savoir pourquoi. Tu tiens à ses enfants mortes de ta main.

Tu amasses des branches, que tu places sur un matelas de pierres. Deux lits mortuaires. Avec un soin infini, tu déposes le corps sans vie des deux soeurs. Tu as mal à la tête, tu tombes souvent, des vertiges t'assaillent. Mais tu es déterminée. Les deux corps sont allongés, sereins. Tu n'as pas d'huile, aucun combustible. Tu leur donnes ton manteau, des feuilles, tout ce que tu peux trouver.

La nuit s'achève bientôt. Tu trouves de quoi faire un feu grâce au temple décrépi qui surveille tes gestes, qui officie comme un prêtre austère et muet. Tu sais que c’est peu ce que tu fais. Tu sais que ces gamines mériteraient mieux. Mais ce mieux, personne au monde ne leur donnera. Tu sais qu’elles étaient seules, que leur grande sœur n’était pas là aujourd’hui. Tu caresses une dernière fois leur visage, embrasse leur front froid. Tu leur dis au revoir, ta voix est moins qu’un murmure, un souffle que le vent emporte au loin.

Tu allumes le feu. Les flammes lèchent le bois, s’attaque aux vêtements. Tu contemples les flammes joueuses et tristes, tu les contemple achever ton œuvre. Tu ne les quitte pas du regard, tu prie, oui, tu prie pour que ces enfants trouve le bon chemin.

Il ne reste plus que des cendres. Tu restes un long moment immobile, hypnotisée. Tu secoues lentement la tête.
Dans le temple, tu trouves des petites urnes. Dans ses réceptacles, tu recueilles soigneusement les cendres des sœurs.

Tael pose les deux urnes par terre. Elle ne prononce plus un mot. Gisei est toujours endormi sur la berge.

Tu le regardes un long moment, allongé sur son lit de pierre. Tu effleures ses lèvres des tiennes. Elles ne s’ouvriront jamais, mais tu les laisses ici. Tu sens des larmes, encore. Tu t’es habituée à leur présence. Tu te redresses, l’après-midi commence.
Tu lui dis au revoir.


[Tael]"Gisei… Au revoir. Tu as bien pris soin de moi. Embrasse Kaban pour moins, d’accord ? Je vous rejoindrai bientôt. Bientôt."

Tu chancelles. La bougie est dans tes mains, la cire te coule sur les doigts, mais tu ne parviens à baisser ta main. Tu sais que ce corps, cette personne était ton unique souvenir, la seule ancre qui t’unissait à ton passé. Tu sais que tu t’apprêtes à le délivrer. Tu l’embrasses une nouvelle fois, les flammes relayent ton baiser. Tu les observes. Tu es à genoux, tes jambes refusent d’en faire plus. Tes yeux sont trop douloureux pour pleurer encore, la fumée t’agresse les yeux, mais tu demeures. Tu regardes ce corps se consumer, emportant avec lui une poignée de ta vie. Il te la rendra bientôt.

[Tael]"Au revoir, mon karasu."

L’oiseau repart.

Tael enveloppe les trois urnes dans un tissu troué, trouvé au temple. Elle marque chacune avec de la cire d’une différente couleur. Elle bloque son arme et accroche le tissu à sa ceinture. De sa main, elle ramasse les trois armes des sœurs, et elle repart.

Elle est trop fatiguée pour manipuler la réalité, mais elle sait que le sommeil ne viendra pas la cueillir aujourd’hui. Elle marche toute la nuit. La troisième sœur est quelque part, à la recherche de ses deux petites chéries.
Tael secoue la tête. Elle se demande si un jour, si un jour elle pourra de nouveau lever son arme.

Tu es devenue faible, ma belle Tael. Tu es devenue vulnérable, et tu n’en es que plus belle. Tu as peut-être mené ton dernier combat aujourd’hui.

Sans te retourner, tu avances, la cuisse battue par de pesantes urnes de fer, la main chargée d’armes.
Et ton masque, ton masque à ta ceinture, ma belle Tael. Ton masque, à ta ceinture.

L’oiseau repart.
Akogare Hyuuga

Akogare Hyuuga


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MessageSujet: Re: Eclipse   Eclipse EmptyMar 1 Aoû - 13:07

[J'ai coupé là où c'était le plus logique. C'est moche mais j'avais pas envie de supprimer des paragraphes.
Donc bonne lecture quand même ^^
]

Acte V.


Tu ne t'arrêtes pas. Tes muscles sont engourdis, mais tu ne t'arrêtes pas. Tu sais où aller, tu sais que tu te diriges vers le village natal des deux soeurs.

Tael manipule avec précaution la réalité. Elle se demande si la troisième soeur sait que les deux plus jeunes sont décédées. Sans doute.
Elle est presque surprise de croiser le regard du soleil, de le voir jouer sur la peau de son visage. Cela faisait bien des années qu'elle s'était refusée ce privilège.

Tu faisais ton deuil, ma belle Tael. Ton deuil, dans un refus de vie. Tu as passé des mois entiers à te façonner ce masque, ce masque qui symbolise tant pour toi. Des mois à l'imaginer, à le fantasmer et le rêver, pour finalement le revêtir.
Tu ne l’enlèves que lorsque la lune te cache. Après tout, tu lui as volé un baiser.

La femme évolue lentement. Elle a les yeux tirés, de lourdes cernes accentuant leur sombre teinte. Elle fait des efforts pour ne pas glisser, car elle sait qu'elle ne pourrait plus se relever.
Tael veut terminer ce qu'elle a commencé avant de prendre tout repos.

Le soleil se couche, au loin. La femme lui dit au revoir, et continue sa route. Bientôt, elle franchira la frontière du pays des jeunes soeurs.

Tu ne sais sur elles que ce que Nendo t'a dit. Ce sont trois guerrières qui ne connaissent la défaite. Le sabre en main, personne ne les a jamais vaincu. Tu ne savais pas qu'elles étaient si jeune, et d'ailleurs, il est possible que tu sois la seule détentrice de ce secret. Garde le précieusement.

D'instinct, Tael se sait observée. Elle avance pourtant sans peur, avec calme. Le regard n'est pas foncièrement hostile, plutôt curieux, prudent.

Elle n'a toujours pas prit la peine de soigner ses blessures, mais depuis la veille le sang a séché. Le village apparaît finalement. Il est désolé, les maisons sont écroulées sur elles-mêmes, noircies par le feu. Le portail est délabré, la poutre barre maladroitement le passage. Il n'y a ici plus personne de vivant.
Tael s'arrête devant, et se tourne vers la forêt qui l'entoure.


[Tael]"Tu peux sortir."

Le silence lui répond. Puis, avec lenteur, une forme apparaît. Elle est grande, élancée. C'est une femme d'un peu moins de vingt ans, d'après les courbes de son visage. Elle est gracieuse, une beauté touchante baigne sa silhouette. Son regard azuré se porte sur Tael.
A ses côtés se balancent de concert un katana et un masque grisâtre.

Tu sais qui elle est. C'est l'aînée, la soeur manquante. Celle qui n'était pas là pour sauver ses soeurs. Au fond de toi, tu devines que c'est la première fois pour elle aussi qu'elle délaisse son masque.

Votre histoire se ressemble, c'est cette pensée qui te berce pendant que la femme approche. Elle n'était pas là le jour de la mort de ses soeurs. Elle n'était pas là, tout comme toi tu ne l'étais pas pour ma propre mort. C'est une blessure qui restera dans vos coeurs, profondément gravée, et vous apprendrez à vivre avec.
Si l'une d'entre vous survie.

La femme s'arrête. Son regard rencontre celui de Tael, avant de s'attarder sur le tissu qu'elle porte à la ceinture. Elle relève la tête.


Dernière édition par le Mar 26 Juin - 22:35, édité 1 fois
Akogare Hyuuga

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MessageSujet: Re: Eclipse   Eclipse EmptyMar 1 Aoû - 13:08

[Tael]"Je suis Tael."

[???]"Hasu."

Tu inclines la tête. Elle la voix posée, ferme avec des intentions douces. Elle ne te quitte pas des yeux.

[Hasu]"Venez."

Il n’y a aucune inquiétude dans sa voix, mais tu sens une tristesse à peine dissimulée, à peine voilée par un visage fermé et un ton serein. La femme se tourne, tu la suis.

Elle fait le tour du village mort, et poursuit sa route jusqu’au flanc d’une petite colline sans souffler un mot de plus. Tael observe les lieux, et avise ce qui ressemble à un cimetière. Il n’est pas spécialement entretenu pourtant, il n’a pas souffert de ce qui a rasé le village en lui-même. Hasu passe le portail, et se dirige à l’est, sur un petit sentier herbeux. Enfin, elle s’arrête.


[Hasu]"J’ai ressenti leur mort. Je leur avais demandé de m’attendre, je n’en avais pas pour longtemps. Elles ont cru que…"

La femme s’interrompit. Elle avait le dos tourné, et Tael devinait les larmes qui coulait sur son beau et calme visage.

[Hasu]"Elles ne savaient pas que vous étiez si forte. C’était de grandes guerrières, de grandes guerrières. Je vous remercie de ne pas avoir laissé leurs corps pourrir."

Tu sens de nouveau ton cœur se serrer. La vie de cette femme épouse la tienne. Tu t’approches à pas lent, sors les urnes. Tu poses celle de Gisei à l’écart. Hasu se tourne vers toi, elle s’agenouille devant les urnes que tu lui présentes. Elle n’a pas honte de te montrer ses yeux chargés de larmes, et tu n’as pas honte de pleurer à ton tour.
Hasu se recueille, tu lui laisses dire adieu à ses sœurs. Elle se relève lorsque le soleil s’apprête à se lever. Sans un mot, elle s’assoit à côté de toi, le regard dans le vague.

Tael ne brise pas le silence qui s’installe. Lentement, Hasu raconte son histoire, sans savoir exactement ce qui la pousse à le faire.


[Hasu]"Nous sommes nées dans ce village. J’avais dix-sept ans quand il a été détruit. Shita est née muette, on se moquait d’elle tous les jours. C’était la cadette. Je n’avais pas le temps de m’occuper d’elle, ma mère est morte jeune, aussi je devais entretenir la maison. Alors c’était Nabeko qui s’en occupait."

Hasu leva les yeux vers Tael. Elle avait les lèvres plissées, hésitante à parler plus de son passé. Pourtant, à l’instar de Tael, les dernières représentantes de son passé venaient de tomber. Elles étaient seules à deux, en quelque sorte.

[Hasu]"On s’entendait bien. Mon père est mort, un matin d'hiver. Quelques jours après, le village a été attaqué par des troupes en maraude. Les temps sont durs, et les paysans d’hier étaient devenus les guerriers d’aujourd’hui. J’étais dans la maison, avec mes deux sœurs. Elles étaient contre le mur, Shita pleurait. Elle avait onze ans, et Nabeko douze. Deux guerriers sont entrés."

Un étrange sourire traversa les lèvres de Hasu. Froid, glacial.

[Hasu]"J’ai toujours été une bonne combattante. Mais, devant des katana et des armures, on s’incline vite. Ils me trouvaient jolie. Ils m’ont jetés à terre, et violée devant les filles. La nuit, j’ai encore parfois cet étrange paradoxe qui m’éveille. L’acier froid sous ma gorge, la chaleur dans mon ventre."

Hasu détourne de nouveau la tête. Elle ne sait pas pourquoi elle parle, mais elle a envie de le faire, elle ne veut pas être seule.

[Hasu]"Ils sont partis le matin. Ils n’ont pas touché les filles qui pleuraient contre le mur. Moi, j’ai arrêté de compter après le troisième. On a quitté le village calciné. Je me suis vendue pour avoir de quoi manger, et on a réussi à survivre. Shita était une artiste. Elle faisait de magnifiques tableaux grâce aux outils qu’elle volait, puis nous les vendions. Je n’en ai gardé qu’un seul, où je serrais Nabeko dans mes bras près d’une rivière. C’est à cette époque que notre vie à changé, et que nous nous sommes tournés vers les armes."

Hasu caresse son katana, ses yeux se ferment.

[Hasu]"On a fait payer beaucoup de choses à beaucoup d’innocents. Mais cette notion est purement morale. L’innocence ne se trouve que chez les enfants. Personne ne nous a plus jamais mis à terre après ce jour. C’était il y a deux ans. Puis, tu es apparu."

Tu gardes le silence. Tu ne sais pas quoi dire. Tu ne sais pas pourquoi ta route a croisé la leur. Tu ne sais pas pourquoi ton katana a tranché leur vie. Alors, tu te tais.

[Hasu]"Ce n’était pas par prétention que nous t’avons attaqué, que nous souhaitions ta mort. Pas plus que par vengeance, nous ne te connaissions pas. Non. Mais un homme t’a désignée comme étant notre mère. Nous avons essayé de te retrouver."

Elle sourit tristement.

[Hasu]"Il nous a dit que tu étais une traîtresse, que c’était toi qui avait vendu notre village, que c’était toi qui avais fait en sorte que nous survivions pour mieux nous humilier. Tu te demandes pourquoi nous l’avons cru ? Car c’était la seule personne, l'unique, à nous témoigner de l’amour. Quand on est désespéré, on se raccroche à ce que l’on peut sans discernement."

Tu serres les dents. Ta fille est née, et tu l’as abandonné. Mais, ce n’est pas Hasu.

[Hasu]"Mais maintenant mes deux sœurs sont mortes. Je te remercie de les avoir ramené ici, c’est ce qu’elle voulait."

Vous vous taisez de nouveau. Tu sens que Hasu a sa main sur ton masque. Elle le caresse, l’observe, passe son doigt sur les motifs colorés. Tu réponds à sa question silencieuse. Tu lui dois bien ça. C’est étrange, mais toutes les deux, vous vous sentez proche. Votre histoire est semblable par bien des points, mais vous redoutez la conclusion de cette dernière.

[Tael]"C’est le masque que je me suis fais, pour honorer un deuil. J’aimais un homme, il y a bien longtemps. J’étais enceinte de lui sans le vouloir, et je lui en tenais rigueur. Puis, un matin, je me suis jurée de retourner lui parler. J’ai passé la journée à chercher la force d’admettre mon erreur. Quand j’y suis allé, son frère m’a dit qu’il était mort."

C’est au tour de Hasu d’écouter. Elle ne quitte pas des yeux le visage de Tael.

C’est la première fois que tu parles à quelqu’un de cette histoire. La fabrication de ton masque était motif de honte, tu la gardais pour toi. Mais tu ne veux plus de cette vie. Tu n’en veux plus.


[Tael]"Dans l’année qui a suivit, j’ai accouché d’une petite fille. Je l’ai abandonné, sous les conseils du village. On disait que les enfants conçus dans l’ombre étaient des démons. J’ai vécu deux années à me haïr. Puis, sur une montagne, lors d'une promenade avec le frère de mon amant, je me suis tuée. J’ai sauté, et j’ai sombré. J’étais heureuse."

Tu hoches la tête, comme pour te convaincre toi-même.

[Tael]"Mon amant m’a refusé cette mort. Je suis retombée parmi les vivants. Alors je me suis fais ce masque. Deux faces, deux comme l’une des interprétations de mon nom. Un démon à gauche. Furieux, haineux et enchaîné. Il est coloré, rouge et or, orange et noir. Il contemple la jeune femme à droite. Celle-ci est nue, elle ne cache que le bas de son visage à l’aide d’un éventail. Ce masque, c’est mon refus de vivre. Il me cachait du soleil."

Hasu hoche la tête lentement.

[Hasu]"Et tu ne le portes plus."

[Tael]"Mon dernier combat m’a réveillé à la vie."

Les deux femmes marchent dans le cimetière. Elles repassent en silence devant les trois urnes. Le soleil est toujours timide, derrière une montagne majestueuse, mais il avance. Hasu regarde les armes entreposées, un sourire voilé aux lèvres. Elle s’agenouille un instant, passant ses doigts dessus, surlignant les tâches de sang qui les maculent encore. Lorsqu’elle se relève et se tourne, Tael a sortit son arme. Elle tend le pommeau vers Hasu.

Tu ne dis rien, tu ne cherches pas à te justifier. Mais tu lui offres ta vie. Les doigts de la femme se resserrent sur ton arme, elle ferme les yeux, goûte l’instant présent. Elle amène l’arme à elle, plante la pointe dans le sol. Son regard trouve le tien, elle sourit.


[Hasu]"C’est vrai. J’ai envie de te tuer. J’ai envie de voir ton sang, et de l’offrir à mes sœurs. De pouvoir leur dire, quand je mourrais à mon tour, que j’ai emporté celle qui leur a ôté la vie. Cette phrase m’a hanté toute la nuit d’hier, et si tu t’étais présentée a moi, je n’aurais pas hésité."

Son sourire est triste. Tes beaux yeux noirs se ferment, tu attends la sentence. Tu es prête à recevoir ta lame dans le ventre, tu es prête à pousser ton dernier gémissement, ta dernière plainte au soleil naissant. Ironique, non ? Tu as cherché la mort sans la trouver, et maintenant que tu aimes la vie, tu es sur le point de réaliser ton rêve premier.

La prédiction de Nendo traverse tes pensées.


[Hasu]"Aujourd’hui, j’ai juste envie de te remercier d’avoir ramené mes sœurs. Je sais que tu étais sincère en faisant cela. Que ce n’était ni pour me faire plier, ni pour calmer ta culpabilité."

Hasu plante l’arme au sol plus profondément.

[Hasu]"Assiste moi pendant l’enterrement. Nous enterrerons ton ami avec elles."

Elle sourit et ajouta en se tournant.

[Hasu]"Je te réserve une place dans le caveau si tu veux."

Vous vous mîtes à l’œuvre, comme deux amies de longue date. Aucune parole ne filtra de vos lèvres closes, entièrement absorbée par la solennité de votre acte. Les deux sœurs étaient unies, côte à côte, dans le caveau familial. Elles étaient sur la droite. Hasu replaça le tableau pour qu’il soit visible derrière les deux urnes.

Sur ce tableau, tu vois Hasu serrer dans ses bras sa sœur. Elles sont couchées par terre, à l’ombre de ce qui semble être un pommier, et plus loin la rivière s’écoule. Tu vois un sourire joyeux illuminer le visage de la femme, alors que la tête de sa jeune sœur repose sous son cou.
Tu les trouves belles toutes les deux.

Vous sortez tard le soir. Vous avez passées la journée en silence, agenouillées l’une contre l’autre et à prier. Gisei repose ici, avec les deux sœurs. Tu sais que c’est ici que tu veux finir. Tu sais que c’est ici que finira Hasu.
Les armes reposent sur le sol froid du caveau, les masques également, vestiges d'un passé désormais oublié.

La brise vespérale vous fait frissonner. Vous vous asseyez par terre, au sommet de la petite colline qui surplombe le cimetière. Tu ne sais pas pourquoi exactement, mais Hasu se presse contre toi. Tu l’entoures de ton bras valide, et recueille ses larmes. Elle est fatiguée, la vie a prélevé son dû jusqu’à dans sa chair. Tu la serres, parce que tu aurais aimé que quelqu’un te serre quand tu en avais besoin. Tu aurais aimé que moi, je te serre. Mais je n’étais déjà plus là.
Je suis désolé, Tael.

Vous restez ensemble jusqu’au matin suivant. Vous parlez doucement. Vous êtes seules, mais dans une solitude pleine. Tu as laissé ton arme en terre. De ta vie passée, tu ne conserves que ton masque. Hasu a sa main posée dessus. Tu déposes un baiser sur son front, comme pour endormir une enfant aux prises à des cauchemars trop dangereux pour elle. Elle s’endort sur tes genoux.
Tu as une pensée pour ta fille. Tu sais qu’elle est toujours vivante. Mais tu ignores où elle est, et si tu as envie de la revoir. Ou plutôt, si elle, elle a envie de te revoir.

Au matin, vous vous quittez. Tu sais qu’un jour, avant votre mort, vous vous reverrez. Hasu ne sait pas ce qu’elle fera de sa vie, mais ce matin, elle a planté son arme avec la tienne.
Un sourire, un regard, un au revoir.

Tu atteins en moins d’une journée l’entrée du sculpteur. Tu sais que c’est lui, qui a dit aux trois sœurs que tu étais leur mère. Encore tes prémonitions, qui demeurent muette qu’au sujet de ta fille. Sans lui, les trois sœurs seraient réunies. Mais, tu repars.
Tu n’as rien à faire ici.

La lune accueille ton retour dans ta boutique. Sesen. Tu souris. C’est étrange, comme tu ressembles à Hasu. Tu sors la calyptra de ton tiroir, et la brûle à même le sol. Demain, tu vendras cet établissement. Tu vendras une nouvelle partie de ta vie. Mais tu resteras à Konoha, dans une petite maison tranquille.

Tu souris. Tu es en paix avec toi-même pour la première fois depuis plusieurs années. Tu poses ton masque sur le sol et te couches à ses côtés. Une main dessus, tes paupières se ferment, tu t'endors.

Un rayon de soleil espiègle te réveille, caressant ton visage endormi. Tu t'étires lentement et te redresses. Sans lâcher ton masque, tu te lèves.

Tu souris.


_____

[Fin.]
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