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 Chaque Histoire A Sa Plume

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Isei Nagashi

Isei Nagashi


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MessageSujet: Chaque Histoire A Sa Plume   Chaque Histoire A Sa Plume EmptySam 8 Aoû - 20:50

La jeune troupe traversa Konoha d’un pied léger. Les enfants s’excusèrent maintes et maintes fois auprès des passants qu’ils gênaient dans leur course. Bientôt la nuit tomba, et le soleil céda sa place à la lune d’une blancheur rare. Les ruelles se vidèrent et la troupe n’eut que la fraicheur de l’obscurité à renverser. Quelques gouttes d’humidité perlaient sur leur peau brunie par les agressifs rayons solaires, d’autres chutèrent de leur front spongieux. L’effort était long. D’autant qu’Ukaro courait vite et droit. Isei devina facilement le sourire silencieux qui meublait son visage. Les cheveux rouges du chuunin virevoltaient toujours dans le même sens preuve qu’il ne se retournait jamais pour prendre connaissance de l’état des deux enfants qui courraient à ses basques. Rapidement ils sortirent du centre du village. Au loin, le toit de bois rouge de la tour de l’Hokage et de la Mairie haussait toujours sa coupole opulente. Les quartiers populaires paraissaient étrangement calmes mais aucun n’y fit allusion. En vérité, Isei ne lisait chez ses deux compagnons aucune once d’hésitation. Gin posait un pied devant l’autre, une brève teinte de sérénité dans la lueur de son regard, et le crâne chevelu d’Ukaro pour simple preuve de la confiance qu’il portait en son jugement.

Le chuunin décida finalement de s’arrêter. Gin souffla mais resta droit. Isei posa ses deux mains tremblantes sur ses genoux et respira lentement dans de grandes inspirations. Puis il se releva et écarquilla ses deux yeux ronds. Ils se postaient aux côtés d’une petite fontaine dont l’eau giclait dans un bassin marbré, au milieu d’une place ovale qui donnait sur quatre rues perpendiculairement assignées.

Isei - On est où ?

Ukaro sourit silencieusement. Il passa une main puissante dans ses cheveux et fractionna quelques mèches qu’il trouvait un peu trop épaisses à son gout. Même dans l’obscurité de la nuit, sous la clarté de la lune, la ruisselante couleur rouge de la crinière du chuunin était visible. C’était le seul élément, dans ce tableau, qui rendait Isei plus confiant qu’il ne l’aurait été seul.

Gin - Qu’est-ce qu’on fait-là exactement ?

Ukaro - Vous avez sûrement plein d’autres questions à poser. On va chez moi, ce sera plus simple pour parler.

Isei bougonna.

Isei - On ne pourrait pas plutôt discuter de tout cela… demain ?

Ukaro - Non, rétorqua-t-il, la mine grave et assombrie.

Bien, ils acquiescèrent d’un très peu convaincu hochement de la tête et pénétrèrent dans la rue qui descendait encore un peu plus vers le Sud. De nombreux commerçants dormaient ça et là, les boutiques fermés, les volets cloitrés et les âmes en paix. Ukaro s’arrêta une nouvelle fois, après quelques minutes d’une rapide marche. Il enfonça une clé dans la serrure d’une petite porte en bois et invita ses deux jeunes acolytes à y passer le pas. Dernier, il referma les lourds battants sur lui et y retira finalement la clé qu’il rangea soigneusement dans une poche de son manteau. Même dansle noir le plus absolu qui soit, ses mèches rougeâtres s’illuminaient, Isei le remarqua avec un sourire hésitant. La lumière se fit rapidement et éclaira succinctement un fin couloir qui donnait sur deux autres appartements. Au fond, un escalier de pierre blanche montait jusqu’au premier étage, dans un colimaçon un peu plus glauque encore. C’est là, leur indiqua-t-il d’un signe du menton. Le couloir se rétrécit encore mais les deux enfants ne s’arrêtèrent pas. En haut, un bref palier donnait accès à une troisième porte. Ukaro leur coupa devant, un large sourire fracturant son visage dont il émanait une certaine inquiétude et leur ouvrit finalement.

Ukaro - Asseyez-vous, je vous en prie.

Les deux jeunes gens jetèrent un regard intrigué au petit appartement. Une seule pièce, peut-être deux, tout était confiné et organisé pour que l’espace soit utilisé du mieux possible. Un matelas était posé dans le coin, en face, juste à côté de la fenêtre alors que deux autres, plus petits, entouraient une table basse d’un bois brun foncé, poli, et verni. C’est là qu’ils s’assirent. Un bref comptoir séparait la cuisine du reste de l’appartement. L’odeur du gaz se répandit rapidement dans la pièce, mais la flamme vint couper court à toute hypothèse un peu trop poussée sur les intentions du chuunin. La théière gémit rapidement et l’eau chaude se déversa dans trois tasses de terre-cuites. L’infusion avait pris, Isei déplia un sourire poli et satisfait.

Les murs paraissaient mornes. D’un blanc pâteux, aucune décoration ne venait redorer l’ambiance générale. Konoha lui avait légué un logement de fonction, c’était à priori, rien d’autre que la première utilité qu’on lui avait donné, pour Ukaro. Un endroit où il dormait, où il se lavait et où il mangeait sommairement, voilà tout.

Ukaro - De quoi voulez-vous que l’on parle, finit-il par lancer, rompant le silence meublé de quelques déglutitions sourdes.

Le même sourire heureux arborait les lèvres du chuunin mais Isei n’avait plus confiance en grand-chose, sinon dans son appréciation de la fatigue. Gin dégustait son thé avec une lenteur étrange et ne relevait jamais son regard lumineux vers aucun d’eux.

Isei - Pourquoi Akamaru est-il devenu si brutal ?

Ukaro - Parce qu’il devait être près du but.

Isei - Du but ?

Ukaro posa ses lèvres à la surface du thé et les retira immédiatement. Trop chaud. Il posa son regard sur Isei et le scruta lentement. Trop de questions, il posait bien trop de questions. Mais d’une certaine manière il ne fallait pas qu’il s’attende à autre chose de la part d’un enfant de onze ans. Les réponses n’en seraient que plus simples, les conclusions toutes évidentes et la logique mêlé à la raison pencherait dans une subjectivité qui ne serait que trop caché pour un enfant de son âge. Restait Gin…

Ukaro - Akamaru a en ligne de mire une organisation plus ou moins terroriste. Depuis quelques années, il s’attache à la remonter. Mais il n’a trouvé que très peu d’élément et cette quête l’a très vite mené dans une obsession presque folle. Certains pensent qu’il affabule.

Gin releva la tête, intéressé.

Gin - Quel est votre avis là-dessus, Ukaro-san ?

Il s’attendait à cette question. Etrangement il s’attendait à toutes ces questions. L’impression de mener le fil du débat l’emmenait vers une plateforme de confiance. Lui qui n’avait jamais fait que se battre par la violence de ses coups, il rivalisait aujourd’hui avec son ancien collègue. Akamaru lui a démontré aujourd’hui qu’il ne valait plus grand-chose et qu’à mesure que les jours passaient, la folie le rongeait. Il avait toujours servi le village par un sens de l’interrogatoire très perfectionné, manipulant ses cibles avec un brio qui rendait le chuunin si particulier et si convoité. Mais sur le terrain, il avait toujours fallu la force des bras d’Ukaro pour parvenir à entrevoir un semblant de réussite. Et on a toujours réussi, ajouta-t-il pour lui-même. L’un et l’autre se partageaient le travail, jusqu’à il y a peu.

Ukaro - Cela n’a que très peu d’importance.

Gin sourit, un regard sournois se dépliant sur le chuunin.

Gin - Ca n’en a que trop.

Le chuunin mima un étonnement approximatif et plissa les yeux.

Gin - Si Akamaru avait raison sur l’existence d’une telle entreprise, alors il se pourrait que votre apparition dans son bureau ne soit qu’une manière comme une autre de le faire taire.

Il parlait sans peur. Aucune appréhension ne se lisait sur son visage, c’était ce qui étonnait Isei le plus. Ils étaient tous deux assis chez lui, à boire son thé, et le genin sortait ses quatre vérités avec une classe qui relevait plus de la témérité que du charisme encore. Pourtant Ukaro rit. Un rire sauvage. Un rire fou. Les cartes étaient lancées et le chuunin s’en emparait avec une facilité déconcertante.

Ukaro - Te dire que je connais Akamaru depuis bien assez longtemps pour savoir qu’il n’utilise jamais la violence lors d’un interrogatoire, serait peut-être inutile. Cependant tu as bien plus à perdre que j’ai à gagné.

Isei - C'est-à-dire ?

Ukaro lécha une goutte de thé qui rampait le long de sa tasse et sourit.

Ukaro - S’il existe bel et bien une telle organisation, alors un de vous deux a effectivement fait sauter cette maison…
Isei Nagashi

Isei Nagashi


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MessageSujet: Re: Chaque Histoire A Sa Plume   Chaque Histoire A Sa Plume EmptyDim 9 Aoû - 0:42

Narrer. Raconter. Lire, plus simplement. Qu’y a-t-il de plus mémorable, de plus formidable que la simple lecture d’un conte ? Qu’est-ce qui reste dans les petites têtes attentives des enfants ? Qu’est-ce qui définit dès le plus jeune âge ce qui du bien ou du mal se distinguera ? Qu’est-ce qui fait de nous des hommes, adultes, et non des enfants, des princes du tout premier mois ? Chaque livre a sa couverture et sa conclusion pour arme, chaque chapitre a son contenu comme signature, et le lecteur a ses yeux pour mourir devant la cognition du réel et de l’imaginaire. Plonger. A bras le corps. La bouche criarde. Les yeux alertes. S’endormir sur la face cachée de l’auteur, rêver de l’histoire, rêver du temps et des âges. Songes des ères. Envouter par les dires d’un homme, les âmes s’apaisent. Parce qu’il ne faut jamais oublier que derrière chaque lettre il y a l’esprit en ébullition d’une âme, d’un esprit, d’un intellect, qui dans chaque coup de plume donne un peu de sa vie, la transmet avec la plus grande des générosités.
Il partage comme personne ne pourra plus partager en ce monde. Il transmet à celui qui l’écoute, plus qu’il ne le lit, chaque seconde des moments indéfinissables qu’il a vécu, autrement que par l’oreille tendue sans jugement quelconque. L’auteur, le stylet en main, le poignet cassé, la plume serrée, chaque fébrile morceau de sa queue qui s’émiette dans les vents chauds du Sud, s’adonne à cette magnifique danse qu’est celle de l’encre sur le papier de soie blanche. Quelques tâches, quelques ratures.

Cela ne fait que rendre la vie un peu plus vivante. C’est cela. Vivre.

Il n’y aurait rien, si personne n’avait rapporté du passé quelques preuves, quelques exemples et quelques leçons. Si les premières ne sont que les conséquences de l’avidité des hommes, les deux autres sont les prémices de ce qui sera l’évolution de la race, le changement de conscience. L’avènement d’un homme nouveau, d’un homme moderne : celui qui, de par le témoignage de ses ainés, ne commettra pas de similaires erreurs. Celui qui lit a plusieurs vies, puisque par leurs expériences passées et retranscrites, le partage le met acteur et non simple spectateur. Celui qui lit ne meurt vraiment jamais. Il respire toujours dans ces lignes d’encre, sur chaque feuille de papier il transpire. Et de son histoire, il en fera leçon et exemple pour ceux qui suivront. Il faut plusieurs vies pour contempler l’histoire. Il n’en faut qu’une pour la lire.


Isei buvait les accusations d’Ukaro comme le thé brun qui tournait dans une étrange ellipse dans le fond de sa tasse. Gin les épiait, tous deux, avec la même appréhension de découvrir dans le regard aimable et amical de son ami et récent coéquipier la source d’une souche de terrorisme. C’était comme si, en une phrase, une simple et bête intonation, il découvrait une nouvelle face à l’enfant dont il était le chef, il y avait moins de vingt quatre heures. Mais le Nagashi ne regardait pas Gin et se séparait donc de l’inquiétude de perdre en lui, un précieux ami. Il se concentrait sur cette feuille de thym qui se baladait avec une étrange sérénité tout au fond de sa tasse, dans ce tourbillon qui ne devrait pas y être. Ukaro pouffa de rire. Gin leva un sourcil intrigué, Isei ne bougea pas même le petit doigt. Celui qui se collait contre le thé, chaud.

[Ukaro] - Désolé. Cette journée est trop remplie. D’habitude, je suis plutôt du genre déconneur. C’est Akamaru le mec sérieux, c’est pas moi. Oubliez ce que je viens de dire.

Trop facile.

Pourtant ce n’était pas totalement faux. Et c’était bien ce qu’il y avait de plus dérangeant dans cette petite pièce. Ukaro avait changé du tout. Il était devenu sombre. Et énigmatique. Ce qu’il n’est pas à l’accoutumée. Le poing qu’il avait lancé contre Akamaru était vrai. L’interrogatoire qui en découlait, lui, n’était qu’un ramassis de suppositions que le chuunin avait gravé dans un coin de sa tête, afin de faire comme si. Comme s’il était capable de mener une telle danse. Très vite il s’aperçut qu’en vérité, ces manières-là ne faisaient pas partie de son monde de violence et de contact physique. Gin bougonna.

[Isei] - Ok.

Le genin ronfla, mais il ne pouvait rien faire. Pourtant, l’idée qu’on balaye aussi rapidement cette théorie du complot ne paraissait pas l’arranger. A vrai dire, cela l’embêtait presque. Mais personne ne retint son sourire déçu et son regard perdu dans l’immensité du mur blanc. Comme un point de néant qui l’attirait quelque part en son sein. Il plongerait son regard à l’intérieur et défierait le monde de lui cacher ses secrets. Les plus lourds, les plus vieux quoi soient. Un « Ok » plus tard et Ukaro retrouvait ce sourire qui s’alliait si bien avec sa chevelure ruisselante de gaieté.

[Ukaro] - C’est quoi votre histoire à vous, les gars ?

Isei parut surpris par cette question dont il ignorait le sens. Bien sûr, une définition venait bien à lui, mais il y avait tant d’interprétations possibles qu’il ne savait laquelle choisir. D’un coup d’œil rapide, il demanda une aide instinctive à Gin, plus mature, plus mûr et plus âgé mais celui-ci n’avait que faire de la situation et c’était à nouveau perdu dans un morceau de vide.

Le chuunin précisa.

[Ukaro] - On est tous pareils en ce bas monde. On a tous les mêmes conneries à affronter, les mêmes peurs à éviter et les mêmes dangers devant la portes de notre maison. Chaque matin on voit le soleil se lever. Chaque soir on le regarde se coucher. Et la nuit, c’est la lune qui nous berce. Moi, ma vie serait trop chiante à raconter. Et trop longue surtout. Alors c’est quoi qui fait de vous ce que vous êtes réellement ?

[Isei] - Y’a rien, répondit-il en imitant l’intonation du chuunin.

Il rit poliment.

[Ukaro] - On a tous quelque chose de…

[Isei] - Non. Non, rien.

Ukaro posa sa tasse sur le coin de la table basse et afficha une mine sérieuse et ébahie.

[Ukaro] - Vraiment ?

[Isei] - Vraiment. Je suis censé deviner combien le monde est méchant alors qu’on m’explique qu’il est magnifique. On m’adore, puis on me jette. On m’engraine, on m’arrose et on me regarde pousser. Et après ? Je ne sais rien de ce monde, je n’en ai pas encore creusé la moindre parcelle de son coeur, léché la moindre saveur de sa peau. On me demande de toujours devenir plus fort. Mais je ne sais pas…

[Gin] - Pourquoi.

L’aspirant sourit, déroulant une fine rangée de petites dents blanches. Sur l’instant, il se sentit compris. Puis, de la compréhension, il passa à la transparence. Il se vit vide, ou vidé, comme un moule qu’on confectionne en masse puis qu’on remplit de ce que bon nous semble. Mais tout cela était bien confus dans sa tête et comme le discours d’Ukaro le touchait, il lui semblait important qu’il y ait des choses à raconter dans le grand livre qu’il écrirait une fois sa vie éteinte, ses yeux fermés, ses poumons crispés et sa peau glacée par l’odeur de l’oubli. Cela faisait partie du processus de désillusion et de compréhension du monde. Sa mère lui en avait parlé, un jour comme un autre, entre deux phrases des plus banales qui soient. Avant qu’il ne découvre ce qui coulait aux côtés de ses veines, bien évidemment.

Isei sortait peu à peu de son cocon. Un cocon familial, protecteur. Il se pensait alors fort et en mesure de défier le monde seul, sur son petit terrain de terre. Il ne revoyait plus que ses sœurs et quelques fois par semaines, sa mère. Elle était toujours aussi belle. Même s’il ne comprenait pas comment la tristesse pouvait autant l’alléger. Le Nagashi s’était cru volant, mais il ne faisait que tomber. Plus tard, il n’aurait rien d’autre à raconter que cette mésaventure qui avait fait de sa vie, quelque chose d’un peu plus passionnant peut-être que celle d’un fils qui suit ses deux parents jusqu’à ce qu’il puisse pratiquer tout ce qu’on lui a enseigné.

[Isei] - Je n’étais pas destiné à devenir shinobi. Ma voie n’était pas là.

Ukaro sourit et posa son regard réconfortant sur le jeune garçon.

[Ukaro] - Qui dicte les voies ? Qui a le pouvoir de t’imposer un choix ? L’école n’est rien face à la vie du shinobi. Il ne s’agit plus d’apprendre, il s’agit de vivre. De respirer et non d’analyser le mouvement des poumons. De marcher et non de comprendre la complexité du message nerveux. D’aimer. Et non de lire les passions des princesses et des fées. Apprends à être libre l’ami, c’est la seule décision que tu pourras prendre.

Isei leva la tête et sourit à peine. Il imaginait la plume qu’il aurait entre les mains. Il voyait déjà son poignet tremblotant et il se tournerait vers son passé à la recherche d’un souvenir quelconque qu’il pourrait partager. Un souvenir dont l’amour, le symbole ou la passion qui s’en dégagerait serait assez intense pour attiser le lecteur dans son envie subite de vivre. Devenir la brise qui berce la braise, tel était le lourd fardeau qui pesait sur ses épaules.

[Isei] - Que faut-il faire pour ne pas être un homme parmi les hommes et laisser l’histoire couler sur soit comme un gravier dans une mère de montagnes ?

Ukaro dévoila deux rangées de grandes dents bien serrées et sourit pleinement, d’un bonheur intense. Il vida d’une gorgée sa tasse et resservit les deux enfants. Gin suivait la conversation, intéressé. Son regard se posa sur Ukaro, puis sur Isei, puis à nouveau sur Ukaro, dans une régulière balance.

[Gin] - D’un peu d’aide.

Comment ça ?

[Gin] - Apprendre à écrire droit. Ensuite, il suffira d’écrire simplement. Et l’histoire pleuvra. Je te montrerais.
Isei Nagashi

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MessageSujet: Re: Chaque Histoire A Sa Plume   Chaque Histoire A Sa Plume EmptyDim 9 Aoû - 23:40

Une ombre meubla l’obscurité de la nuit. La lune, rayonnante, éclairait la chambre et répandait entre chaque mur une once de fraicheur, bien agréable à cette période de l’année. C’est peut-être pour cela que l’homme qui se levait, ne faisait office d’aucune discrétion, même le soleil couché. Entre les carreaux de l’appartement, la nuit s’offrait à lui comme une chance qu’il n’aurait pas une seconde fois. Son regard ploya sous la force du blanc lunaire et très vite, il se concentra sur l’objet de son réveil. Chacun de ses pas est mesuré et, sur le tapis de tissu pourpre, ses pieds s’enfoncent avec la même douceur qu’un bref saut dans un mètre de neige fraîchement déposé durant la nuit. Le bruit, lui, semble s’être coupé du monde et rien ne crie, rien ne gémit, pas mêmes les lattes du parquet brossé sur lequel tout repose. La filiforme ombre de soie s’immisçait dans chacun des orifices qui peuplaient sa route et voguant bon train, elle caressait le bois qui recouvrait le mur de sa langue humide et froide. Debout, face à la lumière, le corps s’arrêta soudainement et scruta le lointain horizon qui se déroulait devant ses yeux comme une belle image qu’on donne aux enfants pour qu’ils n’aient plus peur de la nuit et de ses vacations. Les mauvais cauchemars.

Sa respiration se ralentit inexplicablement et il resta là, prostré, durant quelques minutes. Une buée quasiment opaque recouvrait pourtant le verre des carreaux mais son regard ne fléchissait pas. Il se portait toujours vers le lointain, vers le ciel dégagé de nuages et d’étoiles. L’avenir ne se lisait pas que dans les livres ; l’univers sait l’avenir. L’infini brillait en une magnifique perle, grosse comme la pupille de ses yeux. Le silence se taisait comme on peut faire taire un sourd, et l’ombre se remit en mouvement, le pas svelte et sûr. Rapide, elle traversa la petite pièce et se mêla à deux autres souffles bien plus ténus. Lents et réguliers, saccadés de rares sursauts, les deux corps qui reposaient à même le sol, sur un fin matelas de tissu blanc, dormaient à poings fermés. L’ombre se tint devant eux, droite. Son mutisme ne l’interdisait pas de sentir, et un bref sourire teint son visage d’une confiance abusive. La curiosité qui se lisait sur son visage n’en était que plus effrayante encore. Doucement, elle leva sa main au dessus du plus jeune des deux êtres et elle ne cessa de les décrire des yeux. Son nez captait chacune des odeurs qui émanaient d’eux, ses oreilles se dressaient au moindre son qui se propagerait d’un mouvement un peu trop suspect, ou au contraire d’un silence un peu trop profond.

Fracturant l’air ronflant et dodu qui ronronnait dans l’appartement, l’ombre s’abattit sur sa cible. On ne peut détruire ce qui n’existe pas, mais la simple image du vide coupé en deux rendrait fou quiconque a un peu de bon sens. La main fragile et brunie par le soleil plongea à même le sac et ses cinq doigts fongiformes tâtonnèrent le long du tissu. Une surface plus lisse mais parfois défaite, travaillée et usée par le temps, fit sourire l’ombre qui sentit le moment tant attendue approcher. Il s’en empara sans hésitation et sortit l’objet de son réceptacle.

La couverture blanche reflétait les rayons de la lune avec une vivacité étonnante. Chaque page gonflée par le temps et par l’humidité redorait l’épaisseur de l’œuvre, mais l’ombre le tenait simplement dans sa main droite, comme s’il ne suffisait d’aucune autre présence physique pour transporter le bien. Ses yeux fins et mystérieux se posèrent enfin sur l’écriture qui donnait ce relief si particulier au livre, et sans étonnement, il chuchota son nom.

[Gin] - Pour un Monde Meilleur, Kanae Seigi…


¤¤¤


Le genin ouvrit doucement le laqué du haut-vent et y passa doucement. Il prit bien gare à ne faire aucun bruit et referma derrière lui la vitre, juste assez pour qu’elle filtre, et les sons, et les odeurs, et la température ; tout en évitant qu’elle ne se resserre derrière lui. Auquel cas - impossible et inimaginable - il serait prix à son propre piège. A son propre jeu. Parce que pour un garçon de treize ans, tout cela ne ressemblait qu’à un bon petit jeu bien amusant et lucratif. En émotion comme en pièces de monnaie.

[Saori] - T’en as mis du temps chef.

Gin porta une main à sa poitrine qui s’affola, et pencha sa tête vers le sol. Lentement il reprit sa respiration, mais crut bon de tenir ferme sa main contre son cœur de sorte qu’il ne s’enfuit pas de sa poitrine. La jeune femme sauta furtivement du toit et lui sourit niaisement à la figure. L’injonction était moqueuse, voire sarcastique. Gin savait pertinemment qu’elle n’appréciait pas qu’on la relègue derrière, en queue de peloton. Ils n’aimaient pas être replacés au second plan, Saori et ses deux superbes seins. Pourtant, l’homme à la cape noire - celui dont Gin n’avait jamais vu le visage mais dont il se souvenait des moindres mimiques, de sa voix rauque, profonde et cracheuse - avait eu l’audace de la mettre sous sa coupe. La coupe d’un môme de treize ans. Que valait-elle ? Pas grand-chose. Mais la jeune et pulpeuse femme s’enquilla de ce maigre travail et tirailla l’enfant de toute part, comme on peut tirailler quelqu’un de cet âge. Elle aurait pu être sa mère.

Mais le rôle de la petite amie frivole et désinvolte était bien plus affriolant.

[Saori] - Alors ? Tu as trouvé quelque chose ? Grouille, fait frisquet, je me les pèle.

Le jeune garçon lança un regard plein de rancœur à l’encontre de sa partenaire, mais par le plus grand des hasards il remarqua pour la première fois le bandeau de métal argenté que Saori avait entourée autour de sa cuisse, à la limite de son entre-jambe. Il soupira, désespéré et déçu.

[Gin] - Il a fouiné un peu plus loin que je ne le pensais.

[Saori] - Dit-moi la vérité. On a fait cramer cette maison pour rien ?

Il grimaça un sourire pâlichon. J’ai fait cramer cette maison, crétine.

[Gin] - Non. Il y avait beaucoup d’autres textes qu’il fallait à tout prix éviter de faire remonter vers la surface. Mais celui-ci est important, il faudra trouver un moyen pour… pour le détourner de son propriétaire. A moins que…

La jeune femme resta quelques secondes scotchée sur l’expression singulière du visage de Gin, et sourit. Non, non il n’y pensa pas. Pas à ça. Mais si, son rictus restait particulièrement sérieux et concentré. Saori soupira et plongea sa main dans la poche de son menton. Elle en ressortit un petit paquet de carton rose dans lequel elle s’éprit d’un tube d’un mauve foncé. La flamme du briquet réchauffa l’atmosphère durant quelques petites secondes, mais sans la brise chaude qui entourait Konoha à longueur de journée, la cigarette prit très vite feu. Dans le noir, le foyer s’illuminait comme un groupe de minuscules insectes à la queue luminescente, d’un orange fourvoyant. La jeune fille plia son coude comme tenue par des lois de bienséances qui n’existaient pas ou que Gin ignorait jusque là - bien qu’il fut en âge de découvrir que le sexe féminin pouvait être d’ardeurs très singuliers. Son inspiration fut longue et lente. Le nuage de fumée qui s’extirpa de sa bouche et de ses deux narines rajoutait à l’ambiance se piquant d’humanité.

On peut être femme de guerre, et mourir d’un cancer. Saori se disait avec passion qu’il valait mieux ça que l’inverse.

[Gin] - Je déteste quand tu fumes.

Elle le toisa de l’air de dire qu’un petit garçon de son âge n’avait pas à être si capricieux, mais rétorqua finalement quelque chose d’un peu plus intelligent, à ses yeux.

[Saori] - Ca m’aide à réfléchir.

Gin soupira.

[Saori] - Tu ne comptes tout de même pas le tuer ?

[Gin] - Bien sûr que si. Et on découpera son cadavre en petits morceaux qu’on finira par manger avec une bonne sauce au saké. A moins que la police de Konoha ne fouille nos estomacs, à ce point que je ne sais pas si nous ne devrions pas directement le faire fondre dans un bain d’a…

Elle souffla la fumée de sa cigarette sur son nez et gloussa silencieusement. Seules ses deux épaules paraissaient se complaire d’un tel geste.

[Saori] - J’ai compris l’idée oui, répondit-elle en souriant. Alors, que comptes-tu faire ?

Elle s’assit sur le sol et releva la tête vers le ciel qu’elle admirait de toute sa superbe. Gin décrit la jeune femme du coin de l’œil ; il fut étonné de pouvoir délimiter jusqu’à ses plus belles formes même de nuit. Il en aurait rougi mais Saori n’avait que faire des yeux qui se posaient sur les parties attirantes de son corps magnifique. Elle les ignorait et ainsi les provoquait. Mais Gin n’était qu’un gamin, et pour cela, elle lui laissait tout le plaisir de découvrir jusqu’aux plus profondes cavités de sa personnalité. Pour beaucoup d’hommes, la kunoichi n’était qu’un savon qu’on avait envie de frotter contre soi. Gin comprit très vite que si l’on croquait dedans, on découvrirait qu’il a également un gout doucement sucré. Un gout dont on n’a plus jamais envie de se défaire.

Il se reporta violemment sur la lune, elle qui, tout aussi belle, restait intouchable pour tous les hommes. Gin soupira et s’assit à quelques pas de Saori, déposant le livre entre d’eux, comme pour le placer au milieu de sa réflexion.

[Gin] - Si Isei a lu ce livre, alors il en aura appris énormément sur quelque chose qu’il ne connait même pas. S’il ne l’a pas lu - ce qui me parait le plus probable étant donné notre emploi du temps de la journée d’hier…. - alors il reste un coquille étonnement vide.

[Saori] - Vide ? Ce petit bonhomme n’a rien dans les tripes ?

Gin sourit avec retenu.

[Gin] - Il ne sait pas bien ce qu’il fait là. Je pense qu’en le travaillant un peu, on pourrait le recruter…

[Saori] - Tu comptes le ramener ? Tu sais vraiment ce que tu fais ?

[Gin] - J’ai subi la même chose.

[Saori] - Oui, je ne sais pas si le pire c’est que tu te crois capable de réitérer une telle chose, ou si tu as conscience d’être manipuler et de ne rien faire pour en sortir… Bref, continue.

Gin ouvrit à l’aide de deux doigts, la couverture blanchâtre de l’épais livre et lécha de leur bout le papier meurtri par l’âge.

[Gin] - Ce sont tous les codes du Kanae Seigi. Des codes qui font de nous des hommes vrais, des hommes pleins dont le nom sera retenu par tous. Nous écrivons l’histoire, n’était-ce pas ce que le patriarche avait prédit ? N’est-ce pas pour ça que nous sommes tous ici ? L’avenir qu’il nous a promis, il ne nous l’a pas offert, nous le construisons. Isei n’a besoin que d’un peu d’aide. Il a besoin d’une base afin d’écrire sa propre histoire. Ces codes aveuglent lui proposera un socle solide. Un socle fermé dans lequel il se perdra. Il ressortira grandi, nouveau et dans tout Konoha, il attirera les regards. Il se sentira vivra. Mais il vivra pour une cause. Comme nous.

Saori écouta avec attention le discours de son jeune coéquipier. Elle sourit poliment, décrivant pour l’une des rares fois de sa vie, un semblant de respect. En vérité, la sagesse - quoi que manipulatrice et vicieuse - dont Gin venait de faire preuve la bouscula. Du haut de ses treize ans, l’adolescent avait pleinement pris conscience de sa situation, de ce qu’on lui avait fait subir, quelques années auparavant. Elle qui avait rejoint le Patriarche par orgueil et par passion, elle à qui on n’avait jamais bourré le crâne d’idées préconçues et qui méprisait chacun des moutons que le Kanae abreuvait ; elle posa ses yeux perlés sur Gin, et lui sourit une seconde fois. Sa voix se posa dans un mélange de sagesse et de douceur qu’il découvrait et qu’il aimait déjà.

Au fond de lui-même, il savait qu’ils avaient franchi une étape. La première, peut-être bien.

[Saori] - Comment vas-tu t’assurer qu’il ne sorte pas des sentiers du Kanae ?

[Gin] - Je serais là, avec lui.

Elle hésita, une rapide seconde.

[Saori] - Tu as conscience des responsabilités que cela implique ? Et ce que peut en penser le Patriarche ?

[Gin] - Oui. Et il sera même satisfait du travail que nous aurons alors fait.

Nous ? Elle parut étonnée. Le sourire de Gin finit de la réconforter. Décidemment, il y avait longtemps qu’elle ne s’était pas pliée sous les feux d’un homme. D’un môme, qui plus est… Elle hocha de la tête, satisfaite. Déposant un baiser sur son front glacé, elle s’effaça.

Gin referma derrière lui la vitre. Il s’allongea sur le matelas blanc et reprit sa respiration lentement saccadée. Chacun de ses songes lui revinrent et il plongea finalement dans ses travers inconscients avec un plaisir certain.
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