L’oiseau battit des ailes, et le bruit en résultant perça le silence de l’aube. Le soleil était à peine levé, la fraîcheur de la nuit toujours présente, et la forêt paisible. Le pays de la terre était encore pur à cette heure, malgré les malheurs qui l’avait frappé. La nature se remettait petit à petit de la cicatrice laissée par l’attaque si célèbre. Les hommes, par contre, n’avaient pas cette chance. Il restait de petits villages, çà et là, mais ils étaient la cible de bandits pilleurs, chasseurs de trésors avides ou encore assassins indomptables. Les paysans vivaient dans la peur et la hantise d’un assaut, maintenant que la protection du village caché d’Iwa leur avait été arrachée par la colère de la terre, et la colère de quelques hommes. Malgré tout, il restait toujours un rempart à la barbarie dans ce territoire. Malheureusement, ils étaient trop peu nombreux pour assurer la sécurité de tous les hameaux de ce grand pays. Les ninjas du clan Hayasa faisaient ce qu’ils pouvaient pour assurer les fonctions d’un village caché, mais ils n’en avaient ni la force, ni l’envergure. À leur niveau, pourtant, ils se battaient pour préserver la terre, comme leurs homologues shinobis l’avaient fait quand Iwa était toujours debout. Et ils faisaient du bon travail, avec leurs moyens. D’autant plus que contrairement à Konoha et aux autres, ils ne demandaient pas de paiement pour leurs missions et les aides qu’ils fournissaient. Que faire de l’argent, pour un clan vivant en forêt en subvenant à ses besoins avec la chasse et les ressources champêtres ?
Dans la forêt où ils s’étaient installés, à la frontière du pays de l’herbe Kusa, le soleil n’avait pas encore percé. Seule subsistait l’obscurité de la nuit, légèrement éclaircie par les premiers rayons timides de l’astre du jour. Une brume presque surnaturelle s’était levée, réduisant considérablement la visibilité entre les arbres. Il semblait que des formes indistinctes glissaient entre les branches, voletant doucement au-dessus du sol. Les enfants des Hayasa les plus jeunes auraient pu craindre les fantômes, mais en l’occurrence, à cette heure-là, tout le monde dormait encore. À en juger par le positionnement du soleil, il devait être cinq heures du matin. La forêt dormait elle aussi. Ici, c’était la nature, maîtresse les hommes, et non l’inverse. Mais quelque chose changea, tout à coup. Comme une goutte de vin trouble l’eau, comme une ombre au tableau. Deux ombres, précisément. Elles se rencontrèrent au centre d’une clairière, non loin des premiers bâtiments appartenant au clan. Les deux silhouettes s’approchèrent bientôt jusqu’à n’en faire qu’une, et l’on put discerner une voix étouffée, murmurant tout bas :
“- Suivi ?
- Non. La deuxième voix était toute aussi précautionneuse de ne pas se faire surprendre, mais son timbre indiquait un stress plus élevé, un manque de confiance. Un manque d’expérience.”
Malgré leur certitude d’être seules, les deux silhouettes sursautèrent lorsqu’un hurlement fit entendre au loin. Lorsqu’elles furent assurées de leur solitude, la première voix continua.
“- S’en doute-il ?
- Non. J’ai appliqué le plan, à la lettre. Il n’y a aucune possibilité qu’il ait remarqué quelque chose.
- Et pour l’autre ? L’homme qui parlait semblait étrangement heureux, bien qu’un peu tendu.
- J’étudie encore la manière de l’atteindre. Je ne crois pas être assez fort pour risquer une confrontation directe.
- Confrontation directe ou non, le résultat doit être le même. Il faut marquer les esprits. C’est uniquement de cette façon que nos partisans pourront se révéler au grand jour.
- Cela ne va-t-il pas au contraire les dissuader de sortir de l’ombre ?
- Mets un coup de pied dans une fourmilière, et regarde-les sortir... C’est la même chose ici. Personne n’ose. Tu sais que les Hayasa ont une justice expéditive. Lorsque notre opération débutera, ce sera le moment pour tous d’oser. Ainsi, ils ne pourront rien faire.
- Ne risque-t-on pas une guerre civile au sein de notre propre clan ?”
L’homme haussa les épaules.
“- Il faut toujours faire des sacrifices...”
Il faillit éclater de rire, mais il se retint. Il joignit les mains, se les frottant doucement. Tout s’annonçait pour le mieux. Bientôt, il pourrait utiliser son pouvoir. Un rictus se dessina sur son fin visage, et une lueur de folie traversa ses yeux. La politique des Hayasa fatiguait. Il fallait du renouveau. Un changement de cap, et d’objectifs. C’était leur but. Et tant pis pour la casse.
“- Nous agirons quand il reviendra. Le Shukuchi finira par se révéler à lui, et il deviendra dangereux à ce moment-là. La missive doit lui être parvenue, à présent.
- Il n’y a toujours pas de réponses...
- Il peut y avoir des milliers de raisons pour ça. Il reviendra forcément. Puis, tout se mettra en marche. Il devra être éliminer en priorité à ce moment-là. C’est pourquoi je m’en chargerai. Tu les as ?”
Le deuxième homme hocha la tête, et tendit une petite boîte à son interlocuteur. Il en sortit deux minuscules lentilles. Souriant, il les déposa sur ses iris, faisant disparaître l’éclat rouge, par un bleu clair qui rendait son visage plus séduisant encore qu’il ne l’était initialement.
“- Ne va-t-on pas te poser des questions ? La disparition de ton père ne passera pas inaperçue longtemps...
- Il est censé être parti en mission. Il n’a jamais été un bon ninja. Un accident de parcours lui sera arrivé, voilà tout. Arrête de t'inquiéter pour des détails sans importance. Garde en tête ta mission. Rentrons maintenant. Ils ne vont pas tarder à se réveiller.”
Ils hochèrent la tête tout les deux. Ils tournèrent les talons, et partirent dans deux directions différentes. Celui de droite s’arrêta, se retourna, et héla son compagnon, manquant de discrétion cette fois :
“- Et pour les rumeurs ?”
L’autre stoppa également sa marche, et, sans lui adresser un seul regard, répondit, d’un ton calme :
“- Oublie-les. Il serait trop vieux pour nous inquiéter à présent... Et puis, souviens-toi des légendes... S’il est en vie, son corps est en morceau...”
Ils disparurent tout deux dans la brume.
*********
La porte d’entrée en bois craqua, et le vieillard ouvrit les yeux, allongé dans son lit. Il ne put pas déterminer tout de suite ce qui l’avait réveillé, mais les pas dans le couloir indiquaient qu’il n’était pas seul dans la maison. Il se redressa lentement sur sa couche, l’oreille aux aguets. Quand les bruits de marche s’arrêtèrent juste devant sa porte, il se racla la gorge :
“- Ichimaru, c’est toi ?”
Le battant de bois s’ouvrit lentement, et le jeune homme passa la tête dans l'entrebâillement. Il souriait doucement.
“- Oui, Yamamoto-sama. J’ai eu besoin d’aller boire un verre. Je trouve la chaleur difficilement supportable ces derniers temps.”
En effet, quelques gouttes de sueur coulaient sur son front. Le vieil homme lui rendit son sourire.
“- Je t’ai déjà dis de m’appeler grand-père quand nous sommes en privé.”
Son interlocuteur hocha la tête, lui souhaita une bonne fin de nuit, et retourna dans sa chambrée. Le chef du Conseil des Hayasa se retourna pour tapoter son oreiller lorsqu’il aperçut un verre d’eau, posé sur sa table de chevet. Il inclina la tête sur le côté, légèrement. Puis, remerciant intérieurement son petit-fils de cette attention, porta le récipient à ses lèvres, et but le contenu entier. Satisfait, il s’allongea, et s’endormit rapidement.
*********
Ichimaru essuya son front. Il déposa ses chaussures à l’entrée de sa chambre, se déshabilla rapidement, et s’allongea à son tour. Il se massa les tempes un instant, avant de soupirer longuement.
J’espère être aussi sûr que toi de la réussite de ce plan... Demain, le Conseil a lieu. Nous verrons qui est susceptible de nous suivre... J’espère que tu sais ce que tu fais...
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