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Kamiko Wada

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MessageSujet: [Bar] L'Akumasu   [Bar] L'Akumasu EmptyDim 21 Nov - 22:54

Spoiler:

Arrêtée sous un porche, les mains enfoncées dans les poches de sa veste boutonnée jusqu’au col, Kamiko observait les deux battants de la porte face à elle, de l’autre côté de la rue.

L’Akumasu. Le Nid des Démons.

Un lieu qui avait terrifié une bonne partie de son enfance. Mais aussi celui où elle avait fait l’un de ses plus beaux coups d’éclat. Elle sourit à ce souvenir qui l’envahissait, mais qui se retira aussitôt, comme les vagues d’une marée montante. Car il y en avait d’autres qui partaient à l’assaut de sa mémoire. Elle n’avait pourtant pas le temps d’être nostalgique, alors elle les repoussa rapidement, en même temps que quelques mèches de cheveux qui chatouillaient ses joues.

Elle appréhendait le moment où elle pénètrerait dans le bar. Y trouverait-elle ceux qu’elle cherchait ? Usuke, le barman, serait-il toujours là, avec ses moues bourrues et son œil vif ? Le nid des démons portait-il toujours aussi bien son nom ?

Elle se décida soudainement, et son regard se durcit. Elle inspira profondément, avant de marcher d’un pas ferme en direction de la porte qui renfermait bien des secrets de Suigara. Une pointe d’angoisse s’était nichée au creux de son estomac, mais Kamiko s’en délectait. Après tout, elle contribuait à amplifier l’électricité qui parcourait son corps, cette énergie qu’elle n’avait plus ressentie depuis de trop nombreuses années.

Un grincement dissonant résonna. Puis, l’air frais s’engouffra dans la salle où régnait une chaleur étouffante. Un claquement de porte plus tard, et le courant d’air s’évanouissait aussi vite qu’il était apparu. Il y avait toujours autant de fumée, constata-t-elle, sinon plus. Elle formait un écran opaque qui rendait invisible le plafond, et noyait les recoins éloignés de la salle dans un brouillard blanchâtre. De lourds rideaux pendus aux fenêtres plongeaient la salle dans une obscurité permanente, effaçant toute notion de temporalité.

Elle ne prit pas le temps de s’arrêter sur le pas de la porte pour observer les individus peu recommandables attablés autour de leurs chopes de bière. Cela aurait pu être pris comme un signe d’hésitation, le début de railleries pas toujours maîtrisables quand on est une femme dans ce milieu.

Le visage fermé, elle s’approcha du bar sans ralentir, ses yeux bleu perçants fixés droit devant, sur les bouteilles qui s’alignaient sur une étagère. Même si elle sentait des regards suivre son arrivée, personne ne commenta sa présence en ces lieux. L’homme qui faisait le service au bar se retourna, et elle découvrit un visage inconnu. Sous sa chevelure rouge, deux yeux bleus très clairs, aussi limpides et lumineux qu’un lagon, la dévisageaient avec un regard particulièrement détaché. L’ensemble de sa musculature, sculptée avec soin, saillait sous sa peau d’un blanc très pâle. Très grand comparativement à la jeune femme, il ne daigna pas la saluer, se contentant de l’observer de haut dans la plus absolue des indifférences. Celle-ci chassa rapidement le trouble que provoquait les magnifiques yeux de cristal de son interlocuteur, pour reprendre sa recherche.

« Je cherche Usu-chan. Une idée de l’endroit où il se trouve ? », demanda-t-elle en allant droit au but, ignorant les règles de politesse qui, de toute façon, n’avaient pas cours ici.

Elle risquait ainsi de poser les pieds dans le plat, elle en avait conscience. Usuke pouvait avoir mécontenté quelqu’un de puissant dans les environs, et fini allègrement décapité. Cependant, avec ce type d’interlocuteur, elle savait que badiner pour tenter de le faire parler serait vain. Autant sauter à pied joint dedans sans perdre de temps. Surtout que l’impatience la rongeait.

« Ça dépend. Tu lui veux quoi ? »

Il se saisit d’un cure-dent et entreprit de se nettoyer soigneusement les ongles, sous le regard neutre de la jeune femme.

« Discuter du bon vieux temps… »

« Et t’es qui ? », fit-il finalement, après quelques secondes d’un lourd silence. Il laissa négligemment tomber le bâtonnet à ses pieds, en soupirant d’ennui.

Kamiko avait déjà réfléchi à la réponse qu’elle allait opposer à cette fameuse question. Elle ne voulait pas que son identité d’autrefois lui soit trop vite associée, mais Usuke ne la connaissait pas sous le pseudonyme de Sayuri Sugai. Elle sourit largement, le regard animé d’une joie intense.

« Dis-lui que je suis celle capable de conquérir le monde avec deux bouteilles de vodka. »


Dernière édition par Kamiko Wada le Ven 7 Oct - 15:55, édité 1 fois
Kamiko Wada

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MessageSujet: Re: [Bar] L'Akumasu   [Bar] L'Akumasu EmptyMar 23 Nov - 16:12

« Deux bouteilles de vodka. »

Ce n’était qu’une gamine d’une dizaine d’années. Mais déjà, sa voix se posait avec assurance. Son regard bleu possédait aussi cette étincelle de froid hivernal, qui glaçait, de temps à autres, ceux qui croisaient ses iris. De petite taille, seule sa tête à la chevelure ébouriffée dépassait du comptoir. Usuke banda ses muscles, et pencha son buste aux larges épaules au-dessus d’elle, hostile. Elle lui paraissait alors aussi minuscule et fragile qu’un fétu de paille sur le point de se briser.

« C’est pas pour les enfants, dégage d’ici. » fit-il d’un ton hargneux.

Son établissement ? Accueillir des gosses ? Et puis quoi encore. Il ne comptait pas transformer l’un des bars les plus mal famés d’Ishigaki en garderie pour enfants accros aux boissons fortement alcoolisées.

Celle-ci ne bougea pourtant pas d’un pouce.

Un fétu bien accroché, de toute la force de ses maigres bras. Il ne comptait pas s’envoler aussi facilement qu’Usuke l’espérait, là-haut, où il serait malmené par les vents violents d’Ishigaki. Un brin de paille agaçant, en somme.

Elle releva la tête sans perdre son aplomb, et s’exprima un peu plus fort en articulant avec soin, comme si elle croyait Usuke dur d’oreille.

« Deux bouteilles de vodka. J’ai de quoi payer. », insista-t-elle lourdement.

Usuke se redressa et soupira, sans commenter. Le barman avait à faire au genre teigneux. Il aurait pu la balancer dehors avec pertes et fracas. Il ne le fit pas. Peut-être parce que, finalement, la petite fille au regard obstiné l’avait finalement davantage convaincu qu’un tas de muscles menaçant. Ou simplement parce qu’il n’avait pas envie de perdre son temps, alors qu’une cliente était venue réclamer le service grâce auquel il gagnait sa vie. Il se retourna et choisit deux bouteilles qu’il posa à portée de main de l’enfant. Celle-ci fit rouler sa monnaie sur le bar.

« Et te saoule pas ici. Dégage maintenant. », lâcha-t-il, lassé par la présence de la gamine.

« J’vais pas me saouler, s’pas pour moi. Et j’dois discuter ici avec mon futur boss. » fit-elle avec dédain.

Elle se retourna, laissant Usuke le barman, un peu surpris par la fillette qui ne manquait décidément pas de cran. Elle se dirigea sans hésiter vers la table d’Hayate, naviguant entre des hommes au rire gras. Ils ne lui prêtaient pas la moindre attention. Ils ne la voyaient même pas, ni elle, ni les deux renflements que formaient les bouteilles sous son manteau élimé.

« Hayate-sama, dit-elle d’une voix forte et claire, alors qu’elle accostait leur table. J’ai une affaire à vous proposer. »

Il éclata de rire, moqueur. Déjà, il voulait la congédier sans plus attendre. Jeter au loin ce détritus qu’il dépouillait presque quotidiennement. Ses deux subordonnés s’apprêtaient même à devancer ses ordres, comme l’exigeait la situation.

Son rire vibrait dans sa gorge. Ce son se répandait tel un venin glacial dans le cœur de la petite fille, qui menaçait de céder face à la peur qu’il inspirait. Ses mains d’enfant s’agrippèrent aux bouteilles qu’elle n’avait pas encore dévoilées. La carrure d’Usuke n’était rien comparée à celle d’Hayate, qui avait la silhouette d’un athlète fort bien entraîné. Ses yeux d’un jaune félin se posaient sur le monde qui l’entourait avec un regard dépourvu de toute compassion. Mais l’enfant était bien décidée, et elle devait agir avant d’être mise à la porte.

« Vous pourrez boire en papotant. »

Les deux bouteilles s’entrechoquèrent lorsqu’elle les posa sur le bois abîmé. Et le silence suivit. La petite fille les avait observé boire une bonne partie de l’après-midi, depuis l’extérieur du bar. Elle savait qu’il commençait à faire soif, parmi ces hommes. Et en effet, ils la regardèrent enfin attentivement. Le tout à présent, était de les captiver, de faire en sorte qu’ils ne réfléchissent pas, qu’ils l’écoutent en buvant, pour les entrainer là où elle voulait.

Hayate n’était pas un homme fondamentalement méchant. Il vivait sa vie comme il le pouvait, comme beaucoup d’autres. Il avait réussi à se hisser à la tête d’un clan d’Ishigaki, à contrôler plusieurs zones de la ville, à monter ses petites affaires. Et comme le dit l’adage populaire, on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Quelques braquages. De nombreuses menaces, avec son lot de doigts coupés. Et puis, des trafics. Des meurtres aussi, même s’il était préférable de prétendre ignorer ces faits. Non, ce n’était pas un saint, non plus. Mais en relativisant avec le reste de la population de cette triste ville, il n’était pas si horrible. Il ne tuait pas quelqu’un sans raison, juste pour son plaisir. C’est ce genre détail qui avait poussé Kamiko à tenter sa chance.

« Vous savez, en ce moment, c’est pas terrible comme situation. », dit-elle en dévissant le bouchon.

Elle avança la bouteille, interrogative. Naturellement, les verres glissèrent dans sa direction, poussés du bout des doigts, alors que le silence retombait. Le son velouté de l’alcool s’écoulant d’un récipient à l’autre occupa l’esprit de tous, occultant le brouhaha des alentours. Puis, une fois tout le monde servi, la fillette reprit.

« À chaque fois que vous nous chopez pour nous voler, on perd beaucoup : nos trouvailles, le temps passé à chercher, le temps passé à récupérer de nos blessures… Vous aussi, vous perdez du temps, à nous traquer. Et puis, vous savez bien que vous récupérez pas toute la marchandise. »

Kamiko et sa bande, c’était une quinzaine de gamins, âgés entre huit et dix ans pour la plupart, survivants de menus larcins. Ils s’introduisaient dans les demeures pour les voler, jouaient tantôt les pickpockets, tantôt les attendrissants mendiants, et effectuaient quelques petits boulots. Depuis quelques mois, Hayate et son clan s’étaient mis à considérer qu’ils empiétaient sur leurs revenus en se servant sur leur territoire. Une excuse pour leur tomber dessus, les tabasser et rafler ce qu’ils récoltaient durement.

« Ce serait mieux si on s’entendait. Disons qu’on vous donnerait un pourcentage de ce qu’on trouve, et vous aurez même plus besoin de lever le petit doigt pour ça. »

Dès qu’Hayate et ses compères avaient accepté de l’écouter, Kamiko avait été persuadée que cet accord serait relativement facile à obtenir. Récupérer un maximum d’argent avec un minimum d’effort ne pouvait que les séduire. Ils chipotèrent sur le quota, discutèrent, mais l’enfant argumenta, jusqu’à ce qu’ils trouvent le ratio qui convenait le mieux aux deux parties. Ou plutôt, un nombre qui ne soit pas trop défavorable à Kamiko. Elle attrapa à nouveau la bouteille, et resservit tout le monde. Les langues se turent à nouveau, figées dans l’enrobage pâteux de l’alcool. Le plus délicat restait à venir, pour l’enfant qui reprit la parole.

« Mais si on fait ça, tous les autres clans vont nous réclamer de l’argent, eux aussi... Et au final, vous aurez plus rien. Il faudrait donc que vous nous protégiez des autres clans. »

« Tu avais dit "sans lever le petit doigt", il me semble… », objecta avec une douceur inquiétante Hayate.

L’alcool ne lui faisait finalement pas perdre tous ses moyens de réflexion. Kamiko tressaillit, redoutant un instant d’avoir été trop confiante, mais elle se ressaisit aussitôt. Elle était là pour tenter le tout pour le tout, il n'y avait plus à hésiter.

« Hayate-sama, si vous continuez à nous voler, nous allons tout arrêter. Et ça profitera à personne. Si nous nous arrangeons, les autres clans de la ville voudront aussi leur part, et notre bande disparaitra : retour à la case départ. Il faut donc que vous nous protégiez. Mais, on peut vous donner quelque chose, en échange. Nous pourrons vous rendre des services, vous informer de ce qu’il se passe en ville, faire ce que seuls des enfants peuvent faire. Nous serons un atout que les autres clans n’ont pas. »

La discussion se poursuivit, tard. La nuit imposait son voile noir et froid à la ville, et seules quelques lueurs tremblotantes témoignaient de la vie qui habitait Ishigaki. Car la nuit venue, c’était surtout la mort, qui la hantait. L’air s’emplissait de la fraîcheur de l’obscurité, s’immisçant en sifflant sournoisement entre les interstices des fenêtres mal calfeutrées. Dans l’Akumasu, les dernières gouttes d’alcool se précipitèrent hors de la bouteille de vodka, roulant contre les parois de verre et entrainant dans leur course folle leurs compatriotes, tels des moutons affolés.

« Très bien. On va tenter ton affaire ! s’exclama Hayate, le visage un peu rougi par l’alcool qui parcourait ses veines. USU-CHAN !! cria-t-il brusquement en faisant sursauter Kamiko. Apporte donc un verre à la jeune demoiselle. Buvons ensemble pour sceller cette entente ! » ajouta-t-il sur le ton de la confidence à l’enfant.

Qui ne sut refuser.

Et qui vida d'une traite son verre de vodka.

C’était chaud, enivrant. Ça montait brusquement à la tête, jusqu’à l’étourdissement, avant de redescendre peser dans mon estomac, tel un bloc de ciment.

Et puis très vite, c’est le noir, l’inconnu. Des bribes incompréhensibles de souvenirs disparates qui n’ont pas de sens, et encore moins de chronologie.

Je me réveille alors chez Usu-chan, dérangée par le soleil et le cerveau coincé dans un putain d’étau qui menaçait de faire imploser ma cervelle. J’avais fait une petite peur au barman qui m’avait cru fichue, lorsque je m’étais brutalement écroulée au milieu de la salle, ivre morte. Mais je les avais bien fait rire. Et surtout, j’avais gagné.

« Je n’aurai jamais cru ça possible, m’avait-il dit après qu’il eut constaté mon réveil. Tu dois bien être la seule personne capable de conquérir le monde avec deux bouteilles de vodka ». Tout content de son trait d’humour, il avait alors éclaté d’un rire qui résonnait en moi comme le barrissement puissant d’un éléphant, dont la trompe se serait trouvée juste à hauteur de ms oreilles.

« Moins fort, le rire. Conquérante ou pas, trop boire, ça donne vraiment mal à la tête », avais-je maladroitement philosophé.

Le souvenir de ma première cuite ? Vraiment inoubliable.
Kamiko Wada

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MessageSujet: Re: [Bar] L'Akumasu   [Bar] L'Akumasu EmptyDim 28 Nov - 0:29

L’obscurité était presque totale dans la cage d’escalier, située à l’arrière de l’Akumasu. Seul un mince filet de lumière tombait d’en haut pour frapper la rampe, sur laquelle se posa machinalement la main de Kamiko. Elle observa la première marche en plissant les yeux. Du vieux bois, poli par le temps. Le froncement de ses sourcils s’accentua.

Le nouveau barman, dont Kamiko ignorait toujours le nom, lui avait demandé de passer par là pour rejoindre Usuke, après qu’il eut vérifié que ce dernier acceptait de la rencontrer. L’étage au-dessus de l’Akumasu, du temps de son enfance, c’était un joyeux bordel. Au sens premier du terme. Elle l’avait d’ailleurs découvert à ses dépens.

Elle serra les dents en détournant la tête, refusant d’évoquer ce souvenir, ne serait-ce qu’en pensée.

Kamiko avait fait le tour du bâtiment, se remémorant la configuration des lieux, et parvenant à la conclusion que c’était la seule entrée accessible, en dehors d’un escalier de service qui communiquait avec le bar. Et il était exclu qu’elle l’utilise, trop de monde à duper pour tenter le coup. Escalader le mur extérieur était également trop risqué, avec l’afflux aléatoire de passants.

Ces marches… Kamiko était prête à mettre sa main à couper qu’elles grinceraient toutes, prévenant tout le monde de son arrivée imminente. Et elle n’aimait pas ça.

Elle ne connaissait rien de ce nouveau barman, rien non plus de la situation actuelle en ville, et n’avait strictement aucune idée de ce qui pouvait l’attendre là-haut. Usuke pouvait parfaitement s’impatienter, heureux à l’idée de la revoir, ou un proxénète pouvait avoir décidé de la piéger pour en faire une de ses "protégées".

Ce lieu évoquait en elle trop de méfiance pour qu’elle se paie le luxe de ne pas prendre de précautions. Il se dégageait de là une odeur âcre d’humidité moisie. Les murs avaient perdu de leur superbe. La peinture avait disparu, et le plâtre avait fini par s’effriter, les parsemant de creux irréguliers. Mais cet endroit était respecté. Pas d’odeur d’urine, de clochard recroquevillé dans un coin sous l’escalier ni de graffitis dessinés par des gamins.

Sa main se posa sur le mur, qu’elle sentait fragile sous ses doigts.

Une formidable gifle me jeta soudainement au sol, meurtrissant tout le côté droit de mon corps. Le sol gelé était dur contre moi, et ne m’apportait pas le moindre réconfort.

« Kaname ! Tu ne m’écoutes pas. Ta précision doit être sans faille, dans ce genre d’exercices. Elle doit s’adapter à la résistance de chacune des surfaces que tu arpenteras. Recommence ! »

« Oui, Hazuki-sensei » fis-je en me relevant avec peine, vacillant sur mes deux jambes encore toutes tremblantes.

« Il serait dommage que, le moment venu, tu te plantes lamentablement et regrettes de ne pas avoir suffisamment prêté attention à mes conseils… » déclara-t-il âprement.

Grelottante dans le froid de l’hiver, je ne pus m’empêcher d’hésiter à faire ce pas de plus qu’attendait mon professeur.

« Peu importe les circonstances. Le froid, la chaleur, la fatigue ou la faim. Rien ne doit représenter pour toi un obstacle. »

Le timbre de sa voix m’hypnotisait presque. Dans l’état où je me trouvais, elle était mon seul repère. Toujours là, droite comme un i, forte et inflexible. Inlassablement, elle répétait les instructions que je devais suivre pour atteindre ces instants de répit et de réconfort.

Je posai le pied droit sur la surface de l’eau glacée, avant d’y prendre appui. Je m’y enfonçai jusqu’à la cheville, malgré mes efforts. Le courant de la rivière rendait mon équilibre plus qu’instable, à mon grand désespoir. Un gémissement retentit, et je me rendis soudain compte qu’il sortait de ma gorge.


Kamiko porta instinctivement sa main à sa gorge. Non, aucun son n’en sortait, se rassura-t-elle.

Hazuki n’était pas tendre, avec ses élèves. Mais au moins, ceux-ci retenaient bien ses leçons. Le chakra s’accumula en douceur sous la semelle de ses chaussures, mais aussi sous ses doigts pour mieux répartir son poids. Une précaution supplémentaire qui tenait compte de l’apparente fragilité du mur. Kamiko commença alors délicatement son ascension, dans un silence qui la satisfaisait pleinement.

Arrivée sur le pallier, elle sauta en souplesse sur le tapis rouge posé au sol. Un tapis ? Ici ? D’une propreté irréprochable, de surcroît. Étrange… Cela ne concordait pas avec les souvenirs qu’elle avait, et qui décrivaient un lieu lugubre et miteux. Elle se redressa, et observa la double porte grande ouverte, d’où filtrait le rai de lumière qu’elle avait perçu en bas. Elle retint sa respiration, et s’avança doucement tant qu’elle le pouvait. Elle sortit l’accessoire que bien des femmes portent en permanence, un petit miroir. Dans le reflet qu’il lui renvoyait, elle distingua juste en face de l’entrée, un second bar, plus petit qu’en bas. Plus convenable aussi, avec son bois verni dépourvu de crasse.

Son cœur fit un bond dans la poitrine, lorsque, soulagée, elle reconnut Usuke de profil. Il avait changé, observa-t-elle. Sa tenue était plus soignée, de même que ses cheveux coupés plus courts. Il paraissait moins musclé qu’auparavant, plus posé. Il semblait aussi plus vieux, mais la maturité qui s’était installée dans ses traits l’avait rendu plus séduisant. Malgré ça, il n’était pas du tout son type. Trop âgé à son goût.

Elle rangea doucement son miroir dans sa poche et surgit brusquement dans la pièce, délaissant ses règles de discrétion.

« Usu-chan ! Je crois bien que ça fait un bail ! » lança-t-elle, joyeuse.

Usuke leva la tête dans sa direction, surpris, et la dévisagea longuement, cherchant dans le visage de la jeune femme les traits de l’enfant qu’elle avait été. Puis, finalement, une étincelle embrasa son regard, et il lui sourit sans retenu.
Kamiko Wada

Kamiko Wada


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MessageSujet: Re: [Bar] L'Akumasu   [Bar] L'Akumasu EmptyLun 13 Déc - 3:15

« Holala… C’est la classe ici, dis-moi… C’est… très différent d’avant », constata Kamiko en se laissant choir dans un confortable fauteuil recouvert de velours rouge.

Usuke referma la porte derrière eux, avant de la rejoindre dans le fauteuil face à elle.

« En effet, ça n’a plus rien à voir. »

Il posa les deux verres sur la table basse, et entreprit de déboucher la bouteille de champagne, avec la dextérité de l’habitude.

« Tu sors carrément le champagne ? »

« Hé oui, c’est une bonne occasion ! Ce n’est pas tous les jours qu’on retrouve une vieille amie ! », répondit joyeusement Usuke.

Vieille… ? releva-t-elle au fond d’elle-même, en soupirant. Elle ne répliqua rien pour autant.

Alors que le barman servait avec précaution, en évitant que la mousse ne déborde, Kamiko observa davantage le décor. Le sol était recouvert de ce qui ressemblait, au premier coup d’œil, à de la moquette, mais s’avérait être en réalité des tapis assemblés avec soin. Les rideaux, les tables basses, les fauteuils, les meubles… Tout évoquait un confort relativement luxueux pour Kamiko, même si ce ne serait certainement qu’une imitation pitoyable aux yeux des seigneurs habitués au véritable luxe. La pièce était vaste – trop pour deux – et le plafond haut, décoré avec quelques moulages de plâtre.

« A nos retrouvailles », déclara Usuke en levant son verre en direction de la jeune femme.

Celle-ci saisit le sien sur la table, et répéta la formule avant de porter le verre à ses lèvres.

« Alors, explique-moi un peu ce qu’est devenu cet endroit… », fit soudainement Kamiko, animée d’une point curiosité.

« Des salons privés, tout simplement. Tu connais Ishigaki. C’est devenu un peu plus dangereux au fil du temps, et certains personnages riches hésitaient à commercer dans le coin, quitte à employer des gens moins compétents. Ici, c’est devenu un lieu de rendez-vous. On nous paie pour garantir leur sécurité sur le chemin jusqu’ici, pendant les transactions et sur leur trajet du retour. Ils négocient dans un cadre agréable, et je m’occupe, avec mes employés, de les servir en boisson et apéritifs. Généralement, ils font affaire avec des intermédiaires qui savent se tenir, et qui vont chercher ensuite leur main d’œuvre en bas. Disons qu’il n’y a pas exactement les mêmes démons, à l’étage et au rez-de-chaussée. », ajouta-t-il finalement avec un petit rire.

« Tu as bien monté ton business dis donc… », remarqua Kamiko, assez impressionnée par l’évolution de son ami dans un milieu aussi difficile.

« Oui, ça va. Ça marche plutôt bien. Et toi alors ? Il s’est passé quoi pour que tu disparaisses aussi soudainement, après… »

« Compliqué », coupa Kamiko, le visage fermé.

Usuke, pensif, se laissa aller au fond de son fauteuil, et croisa les jambes.

« Comme tu veux. Tu as bien changé, en tout cas. Tu n’es plus une enfant. »

« Toujours aussi perspicace », répliqua la jeune femme amusée.

« Moque-toi si tu veux. Ça me fait un peu bizarre de te voir comme ça, après tout ce temps. Je peux toujours t’appeler Kamu-chan ? »

Elle sourit. Usuke n’avait probablement jamais été au courant de son véritable prénom. En tout cas, elle ne se souvenait pas le lui avoir dévoilé. Dès qu’elle avait pris conscience de la signification de son prénom, elle avait décidé de se faire appeler Kamu, afin d’éliminer tout rapport au divin qu’elle considérait comme ridicule. C’était un diminutif qui fut rapidement adopté par ses proches, et son vrai prénom ne fut plus que rarement énoncé. Et comme bon nombre de mot à consonance japonaise se terminant par la lettre u, cette dernière voyelle n’était qu’à peine prononcée, ce qui rapprochait Kamu davantage de Kam’ que de Kamou.

« Hum, je préfèrerai Sayu. Tu vois, je suis ici en tant que Sayuri Sugai. », fit-elle avec un sourire malicieux.

Usuke parut étonné.

« Je crois que tu as des choses à me raconter, toi… », lui fit-il observer.

Kamiko hocha la tête, avant de prendre un ton dégagé.

« Ouais... En fait, quand j’ai quitté Ishigaki, j’ai fini par me retrouver dans un orphelinat, dans un bled paumé en pleine cambrousse. Tu vois le tableau. Mais… C’était vraiment pas fait pour moi, quoi. L’ennui total. Du coup… »

Lui parler ou pas de Shirakawa… ? hésita la jeune femme durant une fraction de seconde. Non, ce n’est pas absolument nécessaire… Il se doutera que je lui cache des choses, mais qui ne cache rien ? Lui-même doit avoir un paquet de petits secrets. Il comprendra.

« Du coup, quand je suis tombée sur l’occasion de revenir à ishigaki en apprenant quelques ruses au passage… »

« Du genre… Monter dans un escalier sans faire grincer une seule marche ? » demanda inopinément Usuke.

« Oui, répondit Kamiko sans pouvoir retenir un sourire. Bref, je suis revenue ici dans l’intention de me lancer dans la recherche d’information. »

Un silence suivit, durant lequel Usuke semblait digérer ses propos et réfléchir à tout ce qu’elle avait pu omettre de dire.

« C’est un secteur qui est déjà pas mal pris… Et tes contacts datent d’il y a dix ans… » dit-il enfin.

« Je sais. D’ailleurs, tu sais ce qu’ils sont devenus, tous ? »

« Hayate a bien tiré son épingle du jeu, et continue de mener ses affaires. Je pense que tu pourras aller le voir. En espérant qu’il ne t’en veuille pas trop pour ta disparition subite, il était assez furieux à l’époque. Parmi tes frères… Gisuke agit toujours en binôme avec Yû, comme depuis toujours, et Nobu tourne plutôt mal. Peut-être que tu pourrais discuter avec tes deux frères aînés, mais je crois que tu ne t’entendais pas trop avec, non ? »

« Ils sont beaucoup plus vieux que moi, alors on n’était vraiment pas proches… Nobu, ça ne m’étonne pas vraiment… Et les jumeaux ? »

Le front d’Usuke se plissa, et d’innombrables petites rides que Kamiko n’avait pas encore remarquées apparurent.

« Je suis désolé. Ils sont morts. »

La jeune femme pâlit, et ses mains se crispèrent en serrant l’accoudoir du fauteuil. Elle avait oublié, à quel point la vie est éphémère, à Ishigaki.

« Il y a longtemps ? », interrogea-t-elle dans un murmure.

Comme si cela pouvait avoir une quelconque importance… Elle ne trouvait rien d’autre à dire, trop secouée par la nouvelle.

« Un moment, oui. Et… »

Usuke hésita un bref instant, avant de finir sa phrase.

« Kira aussi. Peu de temps après que tu sois partie, les choses se sont un petit peu emballées…. Je suis désolé, Kamu… », ajouta-t-il en voyant l’expression de son visage.

Elle secoua la tête. Elle ne voulait pas entendre ces excuses, il n’y était pour rien.

« Et Shin ? » parvint-elle finalement à prononcer d’une voix blanche.

« Après… Après le décès de Kira, Shinya est parti. Il a dit qu’il allait rejoindre la côte pour rejoindre la piraterie, je ne sais pas s’il y est parvenu… Il a bien senti que le vent tournait, et sans votre petit trio, il n’avait plus le goût de rester ici. »

Kamiko attrapa la bouteille de champagne et se servit largement. Elle vida son verre d’une traite. Il lui raconta ce qu’étaient devenus d’autres membres de sa bande, d’autres personnes qu’elle avait l’habitude de fréquenter, mais elle n’avait plus le cœur à ça.

Pourtant, elle le savait. Elle avait envisagé qu’un certain nombre de ses connaissances soit mort. La vie à Ishigaki n’était pas une partie de plaisir. Cependant, cela lui faisait un drôle d’effet. Kira… Connaissant les deux garnements, elle aurait plutôt parié sur la survie de Kira que sur celle de Shin… Et les jumeaux… Il y avait eu une forte entraide, entre tous les trois, durant son enfance. Les difficultés les avaient soudés.

Et puis, elle se secoua, se reprit. Le passé était ce qu’il était. Que pouvait-elle faire de plus? Chercher la vengeance? Pour l'heure, cela ne l'intéressait pas. Ou plutôt... Elle le prenait comme une fatalité, régnant sur Ishigaki depuis la fin de la guerre...

« C’est bon, ça ira. Merci, Usuke… », dit-elle en l’interrompant d’une voix plus assurée.

Le barman qui essayait de meubler le silence provoqué par le désarroi de la jeune femme s’arrêta, l’œil inquiet mais un brin soulagé.

« Merci, je crois que tu m’as donné suffisamment de pistes pour reprendre contact. Hum… »

Perdue dans ses pensées encore troublées, elle passa ses mains dans ses cheveux, libérant au passage quelques mèches qui étaient auparavant attachées par la pince.

« Je ne sais pas… Tu n’aurais pas un conseil, un endroit, une personne pour… Me faire de nouveaux contacts plus récents ? »

Usuke réfléchit un instant, puis il se leva et sortit de la pièce, pour revenir quelques minutes plus tard avec un carton d’invitation.

« Il y a d’autres endroits dans Ishigaki que je pourrai t’indiquer ensuite, mais en premier lieu, ceci peut être une bonne occasion, pour toi. Le seigneur de Tori no Kuni organise une grande fête masquée et compte réunir des personnes de tous horizons, de tous milieux. Des seigneurs de différents pays ont reçu des invitations à distribuer, manifestement aux gens comme toi et moi, puisque tous les grands ont déjà leur petit carton. Un des seigneurs du Pays de l’Arbre à qui j’ai rendu un petit service m’a proposé de m’y rendre, mais au final, je n'en aurai pas le temps, je serai occupé avec un client d’importance. Tu peux y aller pour moi. »

Kamiko saisit le carton tendu par Usuke.

Hum... ça peut se révéler être intéressant... J'aurai tout mon temps pour me faire des contacts à Ishigaki, en revenant.

Elle se carra confortablement au fond de son fauteuil après s’être fait resservir par Usuke, et posa un œil attentif sur le barman.

« Parle-moi un peu de ce seigneur, je te prie… Jiman Namaiki. », dit-elle en lisant la carte.

Le nom ne lui était pas totalement inconnu, mais ce qu’il se passait en dehors des frontières de son pays restait encore vague à ses yeux.

« Un mégalomane richissime, qui aime à montrer son pouvoir en s’exhibant devant une foule qu’il aura fait venir d’un claquement de doigts, grâce à de simples petits cartons dorés envoyés partout où il peut y trouver un intérêt certain… Un seigneur, quoi. Il a apparemment trouvé amusant d’inviter des gens du peuple, sûrement pour amuser la galerie. Je vois d’ici les moues pincées en regardant la toilette des femmes en vert… Car il faut savoir qu’il a cru bon de masquer les gens, tout en n’oubliant pas de bien différencier, grâce à des couleurs, les riches, les guerriers, les artistes et les autres… Au fond, cela rappellera à tout le monde sa place, et les gens de pouvoir se conforteront dans l’idée qu’ils sont "plus mieux", pour leur plus grand bonheur. Quant aux petites gens, ils auront eu le plaisir d’assister à un banquet de cette importance, et feront mine d’oublier le mépris qu’on risque de leur imposer… Cela alimentera les bavardages de vieilles femmes pour quelques années, et plus encore si la réussite est à la hauteur des espérances de Namaiki-san. Et c’est certainement l’un des objectifs de cette petite fête. », répondit Usuke d’un air presque ennuyé.

Il devait en souper, du seigneur, avec ses nouvelles activités, et ça n’avait pas l’air de l’enchanter.

« Je vois. », lâcha sobrement son interlocutrice.

Mentalement, elle projeta la carte du monde et la situation géographique du Pays de l’Oiseau. Pays voisin d’Iwa et d’Ame… Ame qui s’était transformé en champ de bataille et qui, comme Kawa, peinait à se relever… Dans son esprit, elle positionna quelques étoiles sur la carte, symbolisant les lieux de bataille les plus connues… D’une façon ou d’une autre, Tori avait dû être affecté par cette guerre. Elle avait, bien sûr, entendu parler des forges Boshida. Faisaient-elles parties de ces industries dont les bénéfices avaient explosés en fournissant des armes aux belligérants ?

« Quelle est la situation économique du Pays de l’Oiseau ? » demanda finalement la jeune femme.

Elle posait volontairement des questions assez vagues, tentant de faire répondre Usu-chan, sans lui mettre la puce à l’oreille quant à ses convictions profondes. Il n’était pas né de la dernière pluie, et elle préférait rester discrète sur ses intentions.

« Elle est florissante, depuis quelques années. Auparavant, c’était un simple pays relativement mineur, sans grande importance. D’ailleurs, les soupçons et rumeurs planent, car cette croissance inattendue a surpris pas mal de monde. On dit que Tori, tel un oiseau cherchant à se renforcer pour prendre un envol majestueux, picorerait les miettes des pays alentours, qu’ils soient en grande difficulté, comme le pays de la Terre et du Vent, ou en ruines, comme Ame ou... »

Il laissa sa phrase en suspend une demi-seconde, et Kamiko reprit aussitôt.

« Ou même Kawa, c’est ça ? »

Il hocha la tête.

Cette fête me plaît bien. Je me demande si je pourrai tirer quelques informations au sujet de tout cela… Il n’y a que de très infimes chances pour que je parvienne à un quelconque résultat, mais qui ne tente rien n’a rien, n’est-ce pas ?

Ne voulant pas rester sur cette note, Kamiko orienta le reste de la conversation sur les autres seigneurs susceptibles d’être présents, et qu’elle pourrait probablement reconnaître grâce à une caractéristique particulière.

Mais son objectif s’était définitivement ancré dans sa tête et dans son cœur.

Jiman Namaiki.

Spoiler:


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Sho Nagoshi

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