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 BU006 - Six pieds sous terre

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Sho Nagoshi

Sho Nagoshi


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MessageSujet: BU006 - Six pieds sous terre   BU006 - Six pieds sous terre EmptyMer 16 Fév - 15:31



Au pays des malheurs.

Clouer l’ombre dans les ténèbres et ramener la paix à Kabe… l’ordre de mission était sommaire, pour ne pas dire incomplet. Les informations que la team avait reçu de la bouche d’Eita étaient trop peu nombreuses pour avancer un plan clair, net, et précis. Le quatuor n’avait d’autres choix que d’aviser une fois sur place. Cela passerait nécessairement pas une phase d’observation plus ou moins longue qui agrandirait plus ou moins le délais de la mission. Mais qu’importe, le client n’était pas vraiment regardant sur le temps écoulé. Il voulait seulement mettre fin aux rumeurs les plus folles et rassurer les habitants, à défaut de pouvoir régler le problème lui-même. La peur engendrait bon nombre de méprises, parmi lesquelles on pouvait trouver l’attribution de faits à des mythes et des légendes déterrés pour l’occasion. Une pure folie, mais qui avait au moins le mérite d’apporter des réponses, même fausses, aux habitants. En clair, une façon comme une autre de ressentir l’illusion d’un réconfort. Sho était loin d’avoir toutes les cartes en main, mais la piste des « brigands » était sans doute la plus plausible. Un démon - fut-il des forêts, des rivières ou des montagnes - n’avait sans doute pas grand chose à voir avec les troubles qui secouaient à cet instant même le petit cimetière de Kabe.

Les démons ne vivaient que dans les contes pour enfants.

Contrairement à l’idée commune, la frontière sud du Pays de la Foudre voyait rarement des mouvements de troupes filer en direction du Pays de la Neige. Les kuméens avaient, pour la plupart, l’habitude de prendre le bateau depuis les villes portuaires de la côte est jusqu’aux ports du Pays du Feu quand leurs pas devaient les conduire plus au sud. Ce soir là, un pan de frontière se teinta de bleu à l’apparition de quatre silhouettes vêtues de noir et de violet. L’intégralité de la team Mangetsu venait d’apparaître grâce aux talents de sa spécialiste en jeux d’esprit. Elle afficha un sourire satisfait quand Ooraka lui tapota l’épaule pour la féliciter.

[Ooraka] · Très jolie téléportation de masse.

[Suji] · Merci, mais ne compte pas sur moi pour te l’apprendre. Tes réserves de chakra sont conséquentes, d’un certain point de vu, il serait dommage de les gâcher avec ce genre de techniques.

Ooraka fit quelques pas en avant et s'arrêta pour contempler le ciel d’une nuit dégagée.

[Ooraka] · Je ne comptais pas l’apprendre, mais merci pour le refus.

Sho s’amusa de considérer Ooraka et Sujimichi comme un vieux couple avec ce que cela pouvait apporter de petits « pics » quotidiens. D’une certaine façon, il était soulagé que leurs rapports aient pris ce tournant ; il aurait détesté avoir à s’occuper de deux individus incapables de se voir autrement qu’en portrait. Yajuu était déjà loin de tout ça. L’éternel solitaire s’était arrêté sur un montons de terre, le regard tourné vers le Pays de la Neige. Des quatre, Yajuu était toujours le plus silencieux. Il n’était pas le genre d’hommes à se perdre en paroles inutiles. Le plus souvent, il ne prenait la parole que lorsque cela en valait réellement la peine. Et il s’avérait très souvent que ses interventions soient capitales pour le groupe. Quand Sho s’arrêta à ses côtés, sa longue chevelure rouge traînant dans le vent, Yajuu le toisa de haut pendant un bref instant.

[Yajuu] · Ça fait bien longtemps que je ne suis plus passé par ici. Trop dirait certain. Yukigakure est encore notre allié ?

De ce que Sho en savait, Yajuu avait davantage passé son temps au Pays des Vagues qu’il n’en avait passé à l’intérieur même de Kumogakure ces dernières années. Il n’était dons pas étonné de l’entendre poser des questions d’ordre politique. Loin de son village, loin de sa diplomatie, Yajuu avait perdu tous ses repères et sans doute était-ce l’une des raisons qui l’avait poussé à intégrer une École de Taijutsu à la fois proche géographiquement et éloigné philosophiquement parlant.

[Sho] · Oui. Nos relations sont encore bonnes. Nous n’avons rien à craindre en foulant leur territoire. Bien que rien ne nous assure que nous ne tomberons pas sur un banc de Nukenin de passage dans la région.

Yajuu ferma ses yeux en croisant les bras sur sa poitrine.

[Yajuu] · C’est le risque que nous avons tous pris en intégrant cette équipe. Comptons sur notre bonne étoile si nous en possédons une… Sinon, remettons notre foi à nous-même. Cela devrait suffire.

Sho inclina sensiblement la tête avant de tourner son regard vers l’horizon. Le Pays de la Neige dormait, mais qui pouvait compter le nombre de créatures et d’ombres, comme eux, qui parcouraient le pays à cette heure de la nuit pour échapper aux yeux les plus affûtés ? La géographie singulière de cette frontière et plus globalement la position géographique du Pays de la Foudre obligeait quiconque voulait y pénétrer de passer par cette frontière ou bien par les voies maritimes qui partaient du pays à l’est comme à l’ouest. Si le mauvais sort décidait que leur route croiserait celle d’indésirables, ils feraient ce qu’ils avaient à faire sans demander leur reste. Il n’y avait de toute façon guère plus de deux ou trois possibilités dans pareille situation. Vivre, mourir, ou fuir… Mais comme ce n’était dans la nature d’aucun d’eux de fuir, cela réduisait drastiquement les possibilités réelles. Ils étaient nés avec l’art shinobi dans le sang… D’une manière ou d’une autre ils feraient entendre cet art si d’avenir quelqu’un venait s’opposer à eux, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

[Suji] · Vous êtes bien pensifs tous les deux. La mort n’est pas une fin en soi, alors ne vous inquiétez pas trop. Si nous devons trouver la mort dans ce pays ou dans un autre, nous mourrons tous les quatre ensemble ou aucun de nous ne mourra. Eita-san a voulu que nous formions une équipe unis. Quoi de mieux qu’une mort certaine pour nous unir dans la même douleur, ou serait-ce une libération ? Beaucoup de membres de la Brigade pensent que le seul choix qui puisse s’imposer à un shinobi est celui de sa mort. Se jettera-t-il aveuglément dans ses bras ? L’accueillera-t-il, seul, ente quatre murs isolés ? L’attendra-t-il dans l’espoir ou le désespoir ? Aura-t-il la force de la repousser assez longtemps pour profiter de quelques années de répit ? Ou alors se dérobera-t-il sous son poids ? Qui sait ce que chacun aurait individuellement décidé. Mais maintenant que nous sommes tous réunis sous la même bannière, le temps est venu pour nous d’oublier toutes ces questions et de choisir comment nous vaincrons la mort ensemble ou comment nous l’accueillerons ensemble.

Yajuu rouvrit les yeux.

[Yajuu] · Tu parles toujours autant ?

Sho secoua sa tête en réprimant son envie de rire. Sujimichi était dans le vrai, et Yajuu le savait bien. C’était sans doute ce qui désolait le plus l’élève de l’École du Miroir d’Ambre. La mort ne l’effrayait pas. Sho le voyait à son regard. Yajuu ne redoutait pas la mort, mais en cet instant il redoutait d’avoir à assumer le poids de la vie de ses trois équipiers. Le serpent était plus sensible qu’il ne voulait bien le laisser paraître devant eux.

[Suji] · Ne sois pas aussi condescendant. Tu te fais plus de soucis pour moi que tu ne t’en fais pour toi-même. Contrôle un peu mieux tes émotions.

En plein dans le mille. Yajuu tourna brusquement la tête en prenant une mine plus fermée qu’elle ne l’était habituellement.

[Sho] · Pour avoir encaissé certains de ses coups, je te déconseille de trop l’enquiquiner Suji.

La jeune femme sourit et s’éloigna en tournoyant sur elle-même, les bras écartés. Sho leva ses yeux vers Yajuu, mais celui-ci ne lui accorda aucune attention, trop accaparé qu’il était à regarder l’horizon opposée à la direction que venait de prendre Sujimichi. Intérieurement, Sho s’amusait de voir combien le discours d’Eita les avait tous inconsciemment rapprochés.



[Eita] · Scellez cette ombre dans les ténèbres et ramenez la paix à Kabe. Des questions ?

Les quatre membres de la team Mangetsu échangèrent quelques regards sans âme, puis jetèrent de nouveau un coup d’œil au parchemin déroulé entre leurs mains. Un cimetière, des morts, des bruits étranges la nuit, une histoire de démons, d'éventuels brigands, le décor était planté. La mission était de rang B, rien qu'ils ne pouvaient surpasser selon toutes vraisemblances.. Enfin, ils jugeraient définitivement une fois sur place. Sho rangea le parchemin entre l'accoudoir et sa jambe avant de croiser ses mains sous son menton. Ses yeux roulèrent vers sa droite pour apercevoir les visages de ses trois compagnons, assis sur des sièges identiques au sien. Son regard rencontra finalement celui d'Yajuu qui acquiesça sensiblement de la tête.

[Yajuu] · Quelles sont les risques de tomber sur une forte opposition armée ?

Eita Okamoto tourna son regard impénétrable vers l'élève de l'École du Miroir d'Ambre, cligna des yeux, et répondit sur un ton parfaitement détaché.

[Eita] · Ce sera à vous de le déterminer. D'après mes informations, il semble n'y avoir que très peu de risques. Au pire des cas, vous êtes susceptible de dénicher un groupe plus ou moins important de brigands. Des shinobi feront peut-être partis du lot, c'est à prévoir. Quoi qu'il en soit, cette mission devrait vous convenir et, au mieux, émousser un peu vos tactiques de combat.

L'arc de cercle formé par les quatre sièges, tous occupés par les shinobi, faisait directement face à un seul siège, identique en tout point aux autres, mais éloigné de quelques mètres. Ce siège était celui du chef d'équipe, d'Eita, qui au cours de leurs réunions les regardaient tous à tour de rôle comme une mère pouvait regarder ses enfants rassemblés devant elle. Les réunions de la team Mangetsu avaient toujours lieu au même endroit. Il s'agissait d'une pièce antique, cachée derrière les murs d'une tour abandonnée, à quelques mètres tout juste du Temple du Raikage. D'une certaine façon, les membres de l'équipe considéraient ces quatre murs comme leur quartier général. Un lieu dans lequel ils n'hésitaient plus à se retrouver avec ou sans Eita. Sho aimait le côté secret que réservait cet endroit. Il aimait le silence qui y régnait, cette impression de vide qui émanait de chaque mur comme si la pièce étaient totalement déconnectée du monde extérieur. L'Eisei avait bien essayé d'arracher quelques informations à ce sujet à la doyenne du clan Okamoto, en vain. Eita refusait d'en parler, et il fallait bien avouer qu'il lui était difficile de savoir si son silence était du à son ignorance ou à un passé qu'elle voulait naturellement gardé secret.

[Suji] · Eita-san, croyez-vous aux esprits ?

Eita fronça légèrement les sourcils en portant son attention sur le visage d'une extrême pâleur qui lui faisait presque directement face.

[Eita] · Où veux-tu en venir ?

[Suji] · Nul part. Je m'interrogeais sur le choix de cette mission. Elle est particulière sous bien des aspects, mystérieuse même. Le manque d'éléments concrets aurait du reléguer cette mission au rang des histoires oubliées, et pourtant vous l'avez choisi parmi toutes les autres. C'est étonnant de votre part.

Maintenant que Sujimichi soulevait la question, Sho devait reconnaître que cette mission n'était pas sans s'opposer à ce qu'il devinait être des principes du clan Okamoto. En assassins réputés, il savait les Okamoto toujours extrêmement bien renseignés, capables de réunir un maximum d'informations en très peu de temps afin de mener à bien leur mission dans un délais record. Si Eita avait décidé de ne pas suivre cette voie, cela voulait simplement dire qu'elle souhaitait tester leurs capacités à récolter des informations à sa place. Mâcher leur travail sous prétexte qu'ils étaient ses protégés n'était probablement pas dans ses cordes, ironisa Sho en croisant son regard.

[Eita] · Vous formez une équipe qui devra prendre toute la mesure du mot " efficacité " dans les mois à venir. Certaines missions sont plus délicates que d'autres et demandent par conséquent une meilleure préparation. Considérez que celle-ci n'en demande pas beaucoup.

Si Sho pouvait largement se contenter de cette explication, il n’en était pas de même pour l’un de ses équipiers. Contre toute attente, Ooraka remua sur son siège. Lui qui s’était montré si silencieux jusqu’à maintenant prit la parole face à sa mère adoptive.

[Ooraka] · Est-ce un test ?

Le ton se voulait neutre, mais tous y décelèrent un semblant de froideur.

[Eita] · Aucunement. Le village a besoin que vous soyez au meilleur de votre forme. Cette mission sera une opportunité pour vous de la mettre en évidence. Je n’ai pas besoin de vous tester, je sais ce que vous valez tous individuellement. Ce que je veux, c’est que cette équipe étincelle aux yeux du monde.



Le Pays de la Terre était leur destination. Alors que les quatre shinobi filaient à toute vitesse le long des plaines ouvertes du Pays de la Neige, Sho s’interrogea sur la nature du mal pour lequel lui et ses équipiers avaient été dépêchés. Il n’était pas sans savoir que de grands sévisses avaient ravagé le Pays de la Montagne, près duquel le village de Kabe était situé. S’il n’avait pas encore eu l’opportunité de mettre la main sur les raisons de ce ravage, sans doute parce qu’il n’en avait pas l’autorité nécessaire, la possibilité que les évènements de Kabe et ceux du Pays de la Montagne soient liés était certes très mince mais plausible à son échelle. Courant à toute allure aux côtés de ses équipiers, les yeux rivés sur l’horizon, Sho commençait à ressentir le poids du doute s’installer au fond de lui. L’idée d’affronter des maux bien au-delà de leurs compétences avait de quoi les terrifier. La seule raison pour laquelle aucun d’eux ne se souciait du lien supposé entre les deux lieux était qu’Eita n’avait rien laissé entendre à ce sujet. Si Eita voulait qu’ils se débrouillent seuls, elle n’en était toutefois pas encore à vouloir leur mort prématuré..
Sho Nagoshi

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MessageSujet: Re: BU006 - Six pieds sous terre   BU006 - Six pieds sous terre EmptyJeu 10 Mar - 18:26

Iwagakure n’était plus qu’une vilaine cicatrice. Une grande et terrible cicatrice dessinée en plein cœur d’un pays vide de sens, comme pour rappeler aux visiteurs le poids que pouvait prendre chacune de leur décision. Iwagakure avait été une puissance, une incroyable puissance, qui avait quasiment tout englouti autour d’elle. Et parce qu’elle avait tenté de tout engloutir, le Destin avait fini par se retourner contre elle. Des démons engendrés par ses bras tentaculaires l’avaient rongé de l’intérieur, lui vouant une haine incommensurable. Ces démons s’étaient nourris d’elle, de sa connaissance, de son influence, et avaient retourné toutes ses armes contre elle. Iwagakure avait été saigné de l’intérieur, saigné de l’extérieur, comme une proie depuis longtemps chassée. Sur ses propres terres, Iwagakure avait longuement agonisé et même la Dame aux Mains Rouges n’avait pu enraillé le processus de destruction. Iwagakure était un colosse monté sur un piédestal. Un magnifique colosse qui avait chuté de toute sa hauteur. Un si beau souvenir, joyau de l’ère shinobi, mais une si coûteuse erreur.

Perché du haut de la montagne, les cheveux au vent, Sho contempla les ruines du village légendaire. Sujimichi l’accompagnait, les bras croisés sur sa taille comme si elle se tenait le ventre. Sho ne pouvait que froncer sensiblement les sourcils devant pareille spectacle. Un horrible spectacle en réalité. Il n’avait pas connaissance de la façon dont Iwa avait basculé dans l’ombre, mais il pouvait ressentir toute la tristesse qui imbibait les lieux. De grands maux avaient ravagés ce lieu, la terre le criait à qui pouvait l’entendre. Il sembla même à Sho que de véritables cris faisaient parfois échos dans les montagnes. Un lieu maudit ? Oui, Iwa en était un, mais Sho y voyait beaucoup plus que des ruines. Il y voyait une mise en garde pour tous les shinobi du monde. Si l’ère shinobi était à son apogée, il ne lui faudrait que peu de choses en réalité pour s’effondrer. Les clés de cette échec reposaient dans les mêmes mains qui contrôlaient le monde. A l’image d’Iwa, tous les villages cachés pouvaient liés leur population et même leur pays dans les ténèbres. Il suffisait d’une chose : la haine. La chaîne du pays conquit, ravagé par un ennemi trop puissant pour lui. La haine d’un enfant à qui on aurait retiré la vie d’un parent. La haine d’un homme maudit par ses proches et réduit à l’errance, loin de ses racines. Cette haine là pouvait tous les condamner.

[Suji] · La douleur, la peine, le désespoir, tant de maux pour un si petit bout de terre.

Sho tourna son visage vers sa coéquipière et acquiesça sobrement.

A l’image d’Iwa, Kumo avait engendré des monstres. De terribles monstres qui avaient commencé à la ronger de l’intérieur, mais que la bienveillance de certains avait réussi à éloigner. Mais pour combien de temps ? Combien de temps encore les enfants de Kumo devenus ennemis de Kumo resteraient silencieux ? Combien de temps cette paix fragile durerait ? Ni lui ni personne ne pouvait le deviner. L’équilibre du monde était fragile et il suffisait, en vérité, d’une seule brise pour le rompre. Peut-être qu’un jour Kumo aurait affronté ses propres démons, ceux qu’elle aurait créé elle-même à force de décisions hasardeuses. Sho ne croyait pas qu’il y avait de bonnes décisions à prendre quand on se trouvait à la tête d’un village de l’acabit de Kumo, il fallait juste prendre les moins mauvaises possibles. Éviter les dommages collatéraux étaient quasiment impossible à leur échelle, mais éviter de créer des monstres étaient possibles. Kumo avait élevé Urasa Yûmito au rang d’ennemi public numéro un, lui qui avait pourtant abreuvé le village de ses innombrables découvertes pendant des années. Pourquoi ? Était-ce seulement une simple erreur de jugement ? Non, le jugement n’avait rien à voir avec ça. Les actions d’un village jouaient le rôle de seuls témoins de l’Histoire. Et l’Histoire retiendrait que Urasa Yûmito avait déserté pour acquérir une plus grande puissance auprès de l’organisation Asahi. Cette puissance n’avait-elle pourtant pas existé à Kumo ? La réponse était évidente. Oui, cette puissance, Urasa aurait pu la gagner à Kumo, mais la morale hasardeuse des dirigeants les avaient sans doute poussé à refuser certains privilèges à leur génie. Celui-ci n’avait eu d’autres choix que de déserter. Il en avait la force, et Kumo... pauvre Kumo, elle n’avait même pas réussi de le retenir. Non, au lieu de ça, elle l’avait chassé.

Kumo, comme Konoha et Kiri, pouvait-il s’étonner de posséder autant d’ennemis de son propre cru ? Sho en doutait. Kumo avait accouché du démon Heihachi, alias Karan. Ce démon s’était nourri du village. Il avait bu toutes ses connaissances jusqu’au point de rupture. Karan avait déserté, rejoint l’Asahi, pour plus tard, revenir prendre la vie du Yondaime Raikage. A qui la faute, si ce n’était à Kumo ?

[Sho] · Iwa a lourdement payé ses erreurs. Nous ne sommes pas à l’abri d’elles, nous aussi.

[Suji] · C’est un triste avenir que tu dépeins. Si l’erreur est humaine, il en existe une plus importante encore et inhumaine de surcroît. Tu vois de quoi je veux parler ?

Elle cligna des yeux et sourit en soutenant son regard.

Le refus de reconnaître ses propres erreurs, voilà de quoi Sujimichi voulait parler. Sho reporta son regard à l’horizon en posant sa main gauche sur la garde de son nodachi. Où serait Urasa aujourd’hui si Kumo s’était rendu compte de son erreur ? Où serait Karan aujourd’hui si Kumo ne l’avait pas guidé jusqu’aux plus hautes marches du pouvoir ? Probablement toujours à Kumo, à vivre une vie bien différente de celle qu’ils avaient eu à endurer. Karan était mort, mais Urasa était bel et bien vivant et rien n’était encore dit sur sa volonté déclaré ou non de nuire à Kumo, le village qui avait en partie fait de lui ce qu’il était aujourd’hui. Ce même village qui l’avait renié. Ce même créateur de démons...

[Sho] · Kumo ne reconnaîtra jamais ses erreurs passées.

[Suji] · La politique est d’un ennuis sans nom. Le passé est le passé, je suis d’avis de le laisser là où il est. Loin de nous. L’heure où Kumo s’armera d’un nouveau Kage sonnera peut-être le temps d’un renouveau. Alors peut-être cette femme ou cet homme acceptera de porter sur ses épaules la responsabilité de reconnaître les erreurs du village. Peut-être que le contre-exemple d’Iwa existera un jour. Un jour, peut-être.

Sho détailla l’horizon. Chaque montagne, chaque col, et aux pieds de ces crocs de roche, le vide, le néant laissé par la disparition d’Iwa. L’Histoire retiendrait que le plus grand des villages cachés avait un jour existé en ces lieux. Que ce village avait été entièrement détruit par la volonté d’une poignée d’hommes. Et que quelque part, à des kilomètres de là, dans un futur plus ou moins proche, un autre village caché vivrait peut-être l’exacte réplique de ce cuisant échec. A sa si petite et insignifiante échelle, Sho ferait le nécessaire pour éviter que Kumo prenne ce chemin.

[Sho] · Puisses-tu avoir raison.

[Suji] · J’ai souvent raison. Mais certaines de mes prophéties demandent parfois beaucoup de temps avant de se réaliser. J’espère que celle-ci surviendra rapidement. Pour notre bien à tous.

Yajuu et Ooraka les rejoignirent au bord du précipice. Les lèvres scellées, ils contemplèrent longuement l’horizon comme s’ils essayaient d’y deviner quelque chose. Sho les observa du coin de l’œil et sourit pour lui-même. Avec une telle équipe autour de lui, il avait bon espoir que Kumo prendrait une nouvelle voie. Non nécessairement moins meurtrière, mais plus saine d’esprit. Kumo n’avait guère plus besoin de nouveaux ennemis que de nouveaux héros. La Team Mangetsu n’avait de toute façon pas vocation à devenir les prochains Immortels. Aucun d’eux n’avait ce désir enfoui en lui. Ils s’étaient réunis pour instaurer un équilibre des forces au sein du village, pour montrer que des alternatives existaient et que Kumo n’avait pas toujours à parier sur les mêmes visages, au point de les étouffer sous le poids de leurs responsabilités. D’autres forces existaient, peut-être même plus puissantes que les Immortels. D’autres hommes et d’autres femmes étaient tout à fait en mesure de porter un peu du poids de Kumo sur leurs épaules.

Le supporteraient-ils assez longtemps était une question à laquelle personne ne pouvait répondre. Mais si Sho était persuadé d’une chose, c’est que Kumo gagnerait beaucoup à diversifier ses appuis pour ne pas recréer la même dynamique qui avait conduis à la naissance du monstrueux Urasa Yûmito, et de l’effroyable Haut Sénateur Heihachi.

[Sho] · Nous ferions mieux de nous remettre en route. Kabe est encore à deux jours d’ici.

Ooraka et Yajuu acquiescèrent en silence et rebroussèrent chemin. Sho pivota sur ses talons et s’arrêta en remarquant l’expression enjouée de Sujimichi, toujours contemplative face aux ruines d’Iwa.

[Sho] · Suji ?

Elle tourna la tête et croisa son regard pour lui sourire.

[Suji] · Tu ne sens pas ?

[Sho] · Sentir quoi ?

Elle rit en tournoyant sur elle-même avant d’emboîter le pas aux autres.

[Suji] · Ce parfum d’espoir.
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