Appuyée sur un genou, Ogen gratta le sommet de son crâne, contemplant le village en contrebas. Degarashi.
La petite ville était terne, compacte. Au delà, les collines recouvertes de théiers étaient irradiées des derniers rayons du soleil couchant. Cette étendue invariablement verdoyante agaçait l’adolescente qui aspirait à découvrir le monde.

« Ogen. » Appela une voix au ton autoritaire.

Arrachée de ses songeries, elle fit volte-face et pénétra, à regret, dans la maison.
A l’intérieur, l’air était froid, glacial et les rires tonitruants de ses deux demi-frères rendaient pénible sa présence dans la petite pièce.

« Ogen va se faire gronder. » Chantaient en cœur les deux morveux.

Mari, sa mère, la fusillait du regard. C’était une belle femme que le travail aux champs avait fait vieillir trop vite.

« Enfin te voilà. Où est ce que tu étais encore ? Rouspéta-t-elle en agitant les mains. Ton père va bientôt rentrer. Fais chauffer de l’eau et prépares son repas. »

« Il n’est pas mon père. » Murmura Ogen en baissant les yeux et en s’attelant à sa tâche.

Les deux garnements qui échappèrent un instant à l’attention de leur mère se faufilèrent à l'extérieur pour jouer.

« Ma fille, ton père et moi avons longuement parlé de ton avenir. Tu as seize ans et il est temps pour toi de quitter la maison. Dit Mari sur le ton de la confidence. Shingen Muto, nous a demander ta main pour son fils. »

Ogen sentit en son fort intérieur qu’il était temps pour elle de prendre la parole et par la même occasion, les rênes de son existence.

« Non. Déclara-t-elle. Je ne veux pas me marier. Mais tu as raison, il est temps pour moi de partir. Je vais rejoindre mon père, le vrai. »

« Je savais que tu désapprouverai cette union. Tu as toujours été sauvage. Mari caressa sa fille d’un regard tendre. Ton père nous a abandonné alors que tu n’étais qu’un nourrisson. Il ne mérite pas qu'on le recherche. »

Ogen garda le silence un instant.

« Savez-vous où il vit ? » Demanda-t-elle en plongeant son regard dans celui de sa mère.

« Je l’ignore. Mais on m’a raconté qu’il avait été aperçu à Tanzaku dans le Pays du Feu. » Avoua Mari à contrecoeur.

« Ce sera donc ma destination. »



D’un air inquisiteur, quelques rayons de soleil s’infiltrèrent discrètement au travers des nuages. L’air se réchauffa un peu et quelques oiseaux piaillèrent avec véhémence tandis qu’ils s’appliquaient à la sempiternelle tâche qui consistait à trouver de quoi picorer.
L'air émerveillé Ogen observait le village de Tanzaku.
Tout ici attisait sa curiosité. Le Pays du Feu n’était pas très différent du Pays du Thé dont elle était originaire. Pourtant, elle était dépaysée. La faune, la flore ainsi que le climat étaient emprunts d’un exotisme qui exacerbait ses sens.
Elle déambulait dans la rue principale à la recherche de renseignements concernant l’homme qu’elle cherchait ignorant encore que la chance lui souriait déjà.

« Mademoiselle, laissez vous tenter par une brochette d’anguille séchée. » Scanda un commerçant à son encontre.

L’adolescente était affamée et aisément corruptible. Appâtée par l’odeur du poisson grillé, elle s’approcha du stand du vieil homme.

« Donnez m’en une, s’il vous plaît. » Dit-elle en lui tendant ses dernières pièces.

« Vous êtes la deuxième personne dotée de tels cheveux que je croise cette semaine. C’est pas banal pourtant. » Dit-il de sa voix guillerette.

« Vraiment ? A quoi ressemblait cette autre personne ? » Demanda-t-elle en déglutissant.

« C’était un homme. Les mêmes cheveux que vous. Il était fauché alors il m’a donné son sabre en gage. Mais il n’est jamais venu le récupéré. » Dit-il en désignant l’arme.

C’était un sabre de bonne facture qui présentait une inscription discrète, à peine visible. Seishuu.

« Savez vous où il est allé ? »

« Non. Mais on a eu une discussion à propos de ce nouveau village que le Daimyo à fait construire. Konoha. »



C’était une de ces journées de printemps où les premières chaleurs et les derniers froids hivernaux s’équilibraient à la perfection. L’herbe au abords de la route était verte et les arbres fleurissaient tranquillement. Les petits yeux de Ogen s’écarquillèrent devant la beauté de Konoha.

Mais, la bourse vide et le moral à zéro, l’adolescente regrettait le confort et la sécurité de son ancien foyer. La faim la tiraillait tant qu’elle ne pouvait penser à autre chose. Elle s’avança péniblement vers un bar à nouilles.

« Bonjour. Offririez vous un bol de nouilles à une pauvre jeune fille affamée ? » Dit-elle sur le ton du désespoir.

« Je ne gagne pas ma vie en faisant la charité. Revenez quand vous aurez de quoi payer. » Répondit sèchement le commerçant.

L’estomac de l’adolescente gronda bruyamment. L’homme leva les yeux au ciel à la recherche d’un éclair puis les baissa sur Ogen qui, honteuse, riait nerveusement.

« Si vous cherchez du travail, le Daimyo engage des novices pour accroître les rangs de son armée. » Déclara-t-il d’une voix encourageante.

Ogen n’était pas une combattante mais elle savait se défendre. Elle hésita un instant. Ce travail lui permettrait-il de poursuivre ses recherches en parallèle ? Finalement, elle suivit l’avis de son estomac et offrit ses services au Daimyo du Feu.