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Peu à peu Akira reprenait ses esprits. Les rues de Kiri étaient calmes et  ces « choses » qui l’assaillaient semblaient s’éloigner tout doucement.


Les contours de la ville lui paraissaient encore flous lorsqu’il arriva devant le domaine Yamanaka. Les effluves des encensoirs qui longeaient les murs lui rappelaient son île.
 Encore aider par le membre du clan, il pénétra dans le lieu pour la première fois. Il y découvrit un jardin dense et sauvage, seul un petit chemin de terre avait été tracé dans cette petite jungle pour faciliter l’accès à la bâtisse.
Sur les arbres bordant le chemin, des dizaines de poupées, de bâtons et toute sorte d’autres artefacts vaudou étaient accroché aux branches. Tous ses totems n’inquiétaient pas Akira mais l’atmosphère autour du sentier n’en était que plus lourde.


[Akira] Pourquoi accroché ses totems ici ? demanda-t-il à son Sei. Pour intimider les étrangers?


[Sei] C’est ce que beaucoup de gens du village penseraient s’ils venaient en ce lieu. Mais tu te trompes. Les Yamanaka qui parviennent à un certains niveaux ont la capacité d’allier leur esprit à la matière, c’est un art difficile et obscure, mais primordiale dans les traditions claniques. Les totems qui gisent sur ces branches ont perdus leurs pouvoirs, ils sont devenus de simples souvenirs de leurs défunts propriétaires.


[Akira] Ok, ok…


Akira n’était pas très enclin aux bavardages maintenant qu’il allait mieux, il s’inquiétait de ce qu’on allait lui dire. Au vu de sa défaite, il n’allait pas être traité en fierté du clan pour sûr.
 
 La bâtisse était ouverte et le groupe pénétra sans même s’arrêter. Les deux Yamanaka ne se souciaient apparemment pas de faire visiter le domaine à Akira, l’un d’eux ne cessait de regarder sa montre en l’exhortant de presser le pas.
 Quelques instants plus tard, ils attendaient tous les trois devant une magnifique porte de bois sculpté.
Avant même d’avoir frappé, la porte coulissa révélant une grande pièce tapissé de dessins étranges difficilement visible derrière le rideau de fumée. Une femme se tenait de dos devant un autel de branches et de tissus incroyablement raffinés.
L’un des Yamanaka le poussa légèrement en direction de la pièce enfumé. Il lui sourit une dernière fois et rebroussa chemin. L’autre Yamanaka resta positionné devant la porte qui se referma doucement.

[Yomu] Assieds-toi mon enfant.


Akira s’exécuta, très intimidé. Il en était presque sûr, c’était l’oracle du clan qui lui faisait dos.

[Yomu] Le protocole voudrait que je te félicite pour ta participation au tournoi, mais je vois bien que nous y verrions tous les deux une hypocrisie inutile. Tu as perdu et tu en es perturbé.


A ces mots le sentiment de honte et de colère monta une nouvelle fois en lui mais il ne dit rien.

[Yomu] Il est temps pour toi d’apprendre l’enseignement des Yamanaka. Je veux d’abord te rassurer, les crises que tu as eu n’ont rien de très alarmant. Ton esprit c’est affaiblie à cause du combat et de la contrariété, de ce fait, le nagamentengai s’est réveillé en toi. Il s’agit d’un pouvoir peu répandu dans la famille. C’est surtout une malédiction ou un don, c’est ce que tu en feras qui décidera de ceci.  Ne rêves pas, peu répandu ne veut pas dire que tu es spécial. Tu as tendance à le penser, ce qui causera ta perte. Ta défaite le prouve bien, tu n’as en rien cherché à consulter ta famille pour te guider vers la voie qui t’es destiné. Non, tu as choisi la voie du spectacle. Cette voie est noble, mais ce n’est pas la nôtre. Si tu cherches à plaire, à foncer sans réfléchir, tu te perdras.  Tu ne diras bien-sûr a personne d’autre la nature de cette technique, si tu as une crise devant des étrangers, éloigne toi le plus possible de toute personne, ton champs de perception est encore très réduit, ce ne sera donc pas difficile. Mais qu’est-ce que le nagamentengai me diras-tu ? Pour le moment, pratiquons. Une transe vaut bien mieux que mes discours.


Yomu Yamanaka se leva et rajouta de la matière sur les encensoirs, enfumant encore plus la pièce.
Elle s’assit cette fois en face de lui et pendant de longues minutes cisela, hacha, et pressa différentes herbes jusqu’à obtenir une pâte verdâtre très compacte.
A l’aide de ses deux paumes, elle forma ensuite une sphère presque parfaite. Enfin, elle observa la mixture compactée un moment, puis la tendit à Akira sans un mot.

Dès la première bouchée, la mixture se décomposa dans la bouche d’Akira diffusant un gout amer sur toute la langue tout en l’asséchant. Il déglutit avec difficulté et tendit le bras vers une cruche d’eau posé à ses côté, l’oracle l’interrompit dans son mouvement.

Les dernières bouchées furent un supplice et dès que le dernier morceau fut avalé l’oracle se mit à chanter.

D’une voix rauque et saccadée, elle accompagnait doucement Akira qui se sentait partir. Malgré sa connaissance de la méditation, il n’avait jamais ressenti cela, loin de se sentir « voyager avec son esprit en dehors de son corps », il était en train de plonger dans son propre être et avait hâte de découvrir ce que son esprit et celui de son Sei lui réservait.

Une vibration, grave et régulière l’étreignit. Des jaillissements de lumières percèrent le néant. Ils déchiraient le vide qui s’effritait. Puis une chute, des bruits d’explosion, un cheval hennissant, et toujours cette lumière qui dévorait l’ombre, toujours cette vibration.


La douceur semblait se mêler a la vibration, le sentiment de plénitude était profond, l’air était suave et l’atmosphère chaude, il chutait vite, des chants l’accompagnait et puis…l’atterrissage. Tout son être fut éclaté, il sentit la moindre parcelle de son corps se disloquer. Il ne pouvait bouger. Pas de ciel, pas de terre, il était écrasé et suspendu.
Une voix douce lui murmura quelque chose, il n’arrivait pas à saisir le moindre mot. Pourtant il la sentait se rapprocher, elles sont deux, puis trois, leurs voix résonnant en chœur…toujours cette vibration. Un monde se formait peu à peu, des formes apparaissaient et toujours plus de voix. Les formes s’assemblaient et se détachaient, tout semblait se fixer. Il était à présent dans une pièce sombre…on frappa à la porte, il essaya d’ouvrir mais elle resta bloquée. Il tenta de tendre l’oreille, un bateau semblait navigué de l’autre côté, il entendait le cliquetis de l’eau sur la coque. Il força, la porte céda, une lumière l’éblouit.


SILENCE !

La voix toute puissante semblait omniprésente. Il se trouvait sur une énorme plaine. Un petit village se profilait à l’horizon, il se dirigea vers lui et le village vint à sa rencontre.

 Des enfants assis comptant des pierres l’interpellèrent en tirant sur sa bure :*

[Enfants] Eh toi ? Eh Toi ?


[Akira] Quoi ? Qu’est-ce vous comptez les enfants ?


[Enfants] Eh toi de l’autre côté du mur. Au revoir.


Akira essaya de retenir les bambins qui s’éloignaient d’un air joyeux mais  aucun son ne sortit de sa bouche. 
Il entra dans le village, il n’y avait aucun signe de vie. Les rues désertes avaient quelque chose de chaleureux malgré les corps qui jonchaient le sol, et, les bâtiments détruits encore fumant n’avaient rien perdu en magnificence. 
Soudain, au coin d’une rue, deux personnes apparurent. Elles couraient si vite qu’il eut à peine le temps de les apercevoir. Une ombre semblait les poursuivre. 
Akira se détourna et vit un enfant sur les genoux de sa mère, qui la regardait d’un air mélancolique.

[Enfant] J’ai mes affaires dit-il. J’ai mes jouets. Mais pourquoi quand je rentre, il n’y a personne à la maison ? J’ai des beaux habits, mais je ne vole pas. Et il n’y a plus personne à la maison. Maman. Maman tu penses qu’ils m’aiment ? Tu penses qu’ils veulent me tuer ?


Il se retourna vers Akira. C’est toi qui as fait le mur ?


Maman que va devenir notre maison ? Maman ? Tout cela n’était qu’une perte de temps ?

Une troupe de mercenaire se dirigea vers un bâtiment de la même rue, saccageant tout sur leur passage, les crie et le feu avait fait place aux questions de l’enfant qui regardait la scène d’un air détaché.

Akira se leva et s’éloigna.

[Enfant]  C’est lui Maman, il a construit le mur. Maman, je peux moi aussi ? Je peux vivre ? Je peux le croire ? Est-ce qu’il ne va pas me forcer à être le mur ? Maman c’est vrai que je meurs ?


Akira avait beau s’éloigner, il entendait encore parfaitement la voix de l’enfant.

Sa mère lui caressa les cheveux, ne pleure pas lui dit-elle. Je serais là pour toujours.


[Enfant] C’est pour ça que je te hais lui répondit-il dans un sourire.


Au loin, droit devant lui, un champ de bataille se dessinait à l’horizon, deux énormes colonnes de soldats fonçaient les uns vers les autres.
 Akira se sentit une nouvelle fois noyés dans un flot d’émotions, mais cette fois-ci, un sentiment de plénitude l’accompagnait. Il fut expulsé vers le champ de bataille, et essayant de freiner en vain de ses bras, percuta de plein fouet un soldat. Le choc lui coupa le souffle.

Il était mort de peur à l’approche des soldats adverses, c’était son premier jour de combat, il se disait qu’à seize ans il était trop jeune. Il ne voulait que retrouver sa mère à Nagumo.
Il fut expulser du soldat et attiré vers celui qui venait de le transpercer. 
Il ressentit la panique et le vide qui se creusait dans l’être qui tenait encore fermement sa lance des mains. Il n’avait pas le temps pour la culpabilité, les yeux de cette enfant à la fois surpris et apeuré ne lui donnaient que plus de force pour sauver sa famille.
Mais il se sentit mouillé, quelque chose coulait dans son armure, regardant vers son ventre, il ne put que ressentir une pointe de douleur avant de s’effondrer.
Akira observa le corps tomber doucement alors qu’il s’éloignait de celui-ci. Les entraînements de son grand frère avait porté ses fruits, elle le  revoyait lui donner l’arc de la famille pour défendre la tribu, l’homme qu’elle avait touché était maintenant piétiné par les combattants enragés.
Son esprit semblait faible et embrumé, peu à peu, Akira se détacha de la jeune archère, et assis à côtés, il la regarda agoniser.


La vibration sembla disparaître avec la jeune fille.
Lorsqu’elle rendit son dernier souffle, il se trouvait en face de Yomu Yamanaka et la jeune fille reposait dans le coin de la pièce.
Il se leva et se précipita vers celle-ci pour l’aider mais elle avait déjà disparu.

[Yomu] Assied-toi lui dit l’oracle.

[Akira] Mais…la fille ? Elle était là !

[Yomu] Non ce n’est que des résidus de ton esprit. N’oublie pas que ce que tu vois ici et maintenant n’est que représentation des Sei. Tu ne t’éveil que dans la transe, et être éveillé est fatiguant, bois.


Elle lui tendit dans un bol de bois, une boisson chaude et parfumée. Repose-toi mais pas trop longtemps, si tu ne traine pas, tu pourras assister à la fin de la finale. Dit-elle en quittant la pièce.

Akira ne se trouvait pas plus avancer dans sa compréhension du nagatruc, il avala la concoction d’une traite et sans attendre, repartit vers l’arène.

Akira Yamanaka : 14 xp's