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 Le prix de la mort

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MessageSujet: Le prix de la mort   Le prix de la mort EmptyMar 1 Fév - 15:13

Les dernières paroles qui lui revenaient à l’esprit étaient : « Noru. Surveille-le. Ne le lâche pas. » Et puis tout s’estompait dans un gigantesque trou béant qui recouvrait chacune de ses pensées. Un trou noir qui absorbait et attirait dans une spirale infernale chaque information, chaque souvenir de ses dernières heures. Nikita revoyait la petite salle pouilleuse dans laquelle on l’avait enfermée et la sensation de ne plus pouvoir remettre un visage sur une voix lui provoquait d’autant plus de douleurs que l’amnésie en elle-même. Il y a bien un grand homme, ce devait être ce Noru. Puissant, un charisme atypique. Et il y avait celui qui l’avait interrogé, le regard pernicieux, sournois, complètement contradictoire avec sa fine carrure. Une grande gueule comme il aimait en voir. Une grande gueule facilement détruite. L’impression générale restait tout de même à l’incompréhension. Rôji avait rapidement disparu de son esprit, même si peu à peu, le jeune homme se remémorait l’intérêt de son voyage jusqu’au vivier et Rôji y possédait une place importante. Il était, d’ailleurs l’objectif principal, sinon le seul. Mais tout s’était enchaîné trop vite. Il s’était retrouvé assis sur une chaise de bois friable, enlacé dans de multiples cordes serrées contre lui, qui entaillaient presque sa chaire et l’intérêt qu’on lui portait soudainement, lui qui désirait plus que tout rester dans l’ombre, apparaissait comme clairement indépendant de la cible qu’il avait choisi et du meurtre qu’il allait opérer pour son propre compte, et le compte d’aucun autre.

Il grimaça. Une vive douleur dans l’arrière de son crâne finit de le réveiller. Le trottoir puant d’une ruelle vide de Suigara l’avait accepté, fallait-il croire. Avait-il dormi ici ? Sûrement. Ses vêtements empestaient, sa chevelure s’était parfaitement accouplée avec la lignée de pavé et la rigole qui donnait sur la route avait servi d’oreiller. Un oreiller bien peu sympathique. Nikita se releva tant bien que mal. Il posa une main salvatrice contre le mur, juste derrière lui qui l’aida à se remettre droit sur ses jambes et, retirant le masque de son visage, il frotta ses doigts contre ses yeux fatigués. Le jour venait à peine de se lever, il grimaçait déjà. Les rayons du soleil le frappaient plus qu’ils ne le réchauffaient et il émanait de l’astre une couleur blanche détestable. Longtemps, il n’avait préféré les terres de l’ouest que pour cette raison, le climat chaud, presque confortable qui y régnait. Quelques nuages perlaient ça et là, d’un blanc d’autant plus considérable que cela en devenait presque pathétique. Nikita rangea son masque derrière sa nuque, laissant les deux fils noués pendre le long de son cou et fit quelques pas en direction de la première auberge qu’il trouverait.

C’était au coin d’une ruelle, dans un lieu qui ressemblait à tous les autres dans le vivier ; un lieu de dépravé. Il posa sa main contre la chaire du bois de la porte sourit, finalement peu étonnée. De manière générale, Suigara était tout de même plus belle de nuit, si tant est qu’elle put être belle un jour. Il ne doutait qu’une foule de personnes trouvait en elle un réconfort agréable, plus agréable que le monde dangereux qui l’entourait. Ces personnes-là ne trouvaient en elle qu’une mince couverture qui les protégerait un temps. Avant de les croquer à pleine dents. S’il y avait bien une terre pour les criminels, il n’y en avait aucune pour les faibles. C’était un mirage. Et le vivier entretenait ce mirage, de la même manière que les villages cachés entretenaient le leur, chacun selon leur point de vue, chacun sur leur position. Mais au final, il y avait si peu de différence.

Le ciel, peut-être.

Il poussa lentement la porte et s’arrêta juste derrière elle. Une ambiance chaude se dégageait du petit couloir qui apparaissait à ses yeux. De grands yeux ronds roulèrent sur son visage. Nikita referma la porte derrière lui sans même y attacher une quelconque attention et contempla le couloir. Etonné, il épiait les trois tableaux qui décoraient le mur, parfaitement droits, parfaitement alignés, aux cadres peints et entretenus avec ce qui semblait être de la passion et un gout presque raffiné. Une odeur agréable s’extirpait de la pièce qui illuminait légèrement l’interstice et même la lumière semblait être inoffensive. Ce n’était pas tant qu’il ne fallait pas un cliché au vivier, mais de manière tout à fait pragmatique, rares étaient les lieux salubres. Et souvent, lorsqu’ils l’étaient, ils appartenaient à des personnes assez riches pour qu’ils faillent s’en méfier. Mais Nikita décida de continuer et pénétra dans la chambre principale. Une douzaine de tables carrées étaient parfaitement agencées, recouvertes chacune d’une nappe et de couverts eux-mêmes serrés dans une petite serviette blanche de papier, tandis qu’un feu généreux crépitait au fond de la pièce, et éclairait toute la grande salle. Un lustre aux allures courtoises mais humbles était suspendu au plafond et supportait une quarantaine de bougies toutes allumées. Le bar quant à lui se tenait à sa bonne place, formidablement rehaussé sur une plateforme de bois poli. De l’autre côté s’étendait un immense miroir posé sur un long meuble qui accueillait une multitude de bouteilles d’un âge ancien. La population, elle, n’avait pas changée, ce qui en somme paraissait d’autant plus étonnant. Mais finalement logique. Ce qui ne l’était pas, c’était l’espèce de respect qui découlait de l’ensemble, si bien que la quinzaine de malfrats posés à là à siroter leur alcool ou à mâcher leur viande le faisait, non dans la plus grande des délicatesses, mais en gardant un silence poli et acceptable, veillant à ne pas faire de ce petit morceau de paradis un vaste monticule de chaos, comme il en existe tant dans le vivier.

Nikita s’avança tranquillement jusqu’au bar, la main caressant toujours le bas de ses reins endoloris et zyeutait discrètement les personnages, comme intrigué. L’espace d’un instant, il se demanda s’il ne manquait pas quelque chose, s’il ne fallait pas une bonne raison de mettre les pieds dans ce lieu, si ce n’était pas le repère d’un club quelconque et qu’il ne faisait pas une immense erreur. Mais ces pensées disparurent très vite et il s’assit doucement sur une chaise haute, posant ses deux coudes sur le bar et plongeant sa tête entre ses bras.

[…] – Il vous faut quelque chose, étranger ?

La voix grave de l’homme le sortit définitivement de ses pensées. Nikita se releva naturellement et passa une main confuse dans ses cheveux. Il réfléchit à peine et d’une voix tout aussi exténuée, lâcha quelques mots.

[Nikita] – Quelque chose de fort, l’ami.

L’homme sourit, devinant à peine les tourments que son client devait avoir. Il n’en parut pas surpris, même plutôt vexé de toujours tombé sur les mêmes personnalités, arborant les mêmes problèmes, les mêmes erreurs, et les mêmes aventures. Il se retourna et s’en alla quelques mètres plus loin chercher une bouteille poussiéreuse qu’il posa sur le bar, un verre dans l’autre main. Nikita posa ses yeux sur lui sans y faire vraiment garde et décrit l’imposante stature du bonhomme. Une chose était sûre, c’était qu’au-delà de son regard noir et profond, de sa chevelure brune et étonnamment propre, au-delà de sa carrure d’athlète et de ses épaules aussi large qu’une montagne, il y avait un brin de retenue, quelque chose de sérieux et de concentré, d’à la fois posé et violent en lui. Quelque chose que Nikita, soudainement, n’eut pas envie de réveiller.

Le tenancier revint très vite et posa le verre en dessous de son nez. Là, il sourit, comme satisfait, et le poussa un peu plus vers le jeune homme. L’odeur acide de l’alcool monta à son nez et le fit déjà grimacer. Mais sans trembler, Nikita s’empara du verre et le porta à ses verres. L’idée de le vider d’une seule traite lui traversa l’esprit, et même s’il se savait encore assez jeune pour le supporter, il préféra en gober une seule petite gorgée afin de ne pas offenser un hôte qui semblait rempli de délicatesses. Lorsqu’il le reposa sur le bois du bar, il eut la surprise de trouver l’homme toujours en face de lui, ne cachant aucune partie de sa curiosité et décrivant avec insistance chacun des éléments qui le composait.

[Nikita] – Je peux vous aider ?

Il haussa les épaules, l’air toujours amusé.

[Nikita] – Alors arrêtez de me regarder.

[…] – Dure nuit, n’est-ce pas ?

Nikita avala finalement son verre d’un air aigri, et se leva aussitôt. Il posa un dernier regard sur l’homme qui, si aux premiers abords lui avait paru d’un attrait plutôt singulier, commençait sérieusement à l’ennuyer. Il posa quelques pièces sur le comptoir et sans dire un mot, se retourna et se dirigea vers le couloir par lequel il était entré.

[…] – Jeune homme.

Il soupira. Ses pieds s’arrêtèrent aussitôt et avec la même nonchalance fatiguée, il arma deux de ses doigts d’une cigarette qu’il alluma dans la foulée. Sans se retourner, il tira dessus et fit tomber sa tête en arrière, usé, afin d’en laisser sortir la fumée.

[…] – Noru a dit qu’il t’attendrait à l’étage.

Les yeux du jeune homme s’écarquillèrent subitement. Nikita mordilla nerveusement sa cigarette tandis que son esprit se mettait en action. Rapidement, tout allait trop rapidement. Ce nom. L’intonation de cette phrase. Durant quelques secondes, il perdit le fil de l’instant présent, perdu dans un mauvais jeu de rôle. Sa mémoire défaillante lui revenait petit à petit même si tout restait étrangement confus. Noru, c’était bien un nom qui lui disait quelque chose, un vague souvenir perdu dans un mélange de noir et de blanc aux confins du vide. Nikita se retourna aussitôt et dévisagea l’homme puissant toujours prostré derrière son comptoir. Il était resté là, immobile, mais il avait perdu tout sourire comme si le sérieux venait de tuer la lourdeur de sa curiosité. Pourquoi le connaissait-il ? Comment le connaissait-il ? Nikita n’avait jamais mis les pieds dans cette salle, et aussi étrange que son amnésie puisse paraitre, il s’en serait souvenu, elle était trop parfaite. C’était surtout l’impression d’être manipulé qui, à défaut de le tirailler, l’atterrait. Il haïssait cette sensation, elle lui était détestable. Cette façon de le regarder dans le blanc des yeux, de se jouer de lui pendant qu’il tentait de se remettre d’une nuit qui lui avait semblé agité alors que l’autre narquois d’imbécile, un inconnu comme on ne pouvait mieux en faire semblait connaître sur le bout de ses dix doigts les dernières dix neufs années de sa misérable vie.

Voilà, la soudaine envie de lui démonter sa grosse tête de chien battu vint lui chauffer le bout des oreilles. La fumée de sa cigarette continuait de l’aveugler mais il s’en fichait. Peu à peu, il retrouvait le sang chaud que la noirceur et la fraîcheur de la rue lui avait pris, cette nuit-là. Peu à peu il retrouvait son personnage, celui qui s’était tu l’espace de quelques heures. Celui-là même qu’il jouait depuis des années. Il ne savait pas ce qui s’était passé cette nuit-là mais il fallait que ce soit terriblement fort et terriblement important pour qu’il en soit redevenu un être si peu important à ses yeux, un être flemmard, fatigué et dramatiquement inutile. Son regard changea du tout au tout, et le rouge de ses pupilles retrouva un peu de sa hargne perdue. Merde ! Il lui manquait une nuit ! Une putain de nuit ! Et pourtant il avait l’impression d’avoir perdu trois ans de sa vie ! Trois ans de travail et de construction ! Il s’avança violemment vers le bar, le regard fixé vers l’escalier, à son bout. En passant devant le tenancier, il lui lança un coup d’œil sévère. Ses pupilles bercées d’une rouille nauséabondes, diluées dans des pépites dorées, l’agressèrent littéralement. L’homme ne bougea pas mais il se raidit, cela se vit à la musculature de ses épaules, assez forte pour qu’elle fasse bouger le tissu de son vêtement. Il n’avait pas peur, sinon Nikita l’aurait senti, mais il s’était mis en alerte et il en fut satisfait. Sans dire un mot, il écrasa sa cigarette à peine allumée à même le comptoir, insista sur son regard et d’une main rageuse, il repassa son masque devant son visage pour redevenir celui invisible qu’il avait toujours été.

Les marches défilèrent par paquets de trois. En haut, un autre couloir ouvrait sur six portes, toutes petites, toutes décorées de quelques parures qui lui paraissaient alors comme simplement affligeantes et anachroniques ; d’un autre temps. Il bouscula la première et pénétra dans un petit salon à la lumière tamisée. Le parquet têtu ne voulait pas craquer, la poussière silencieuse ne voulait pas se soulever. Tout était si propre, si parfaitement organisé que cela en devenait sordide, à vomir. Nikita eut envie de toute foutre en l’air, de détruire chacun des pieds des quatre chaises qu’il trouva sur son chemin. Au fond de la salle, assis sur un petit coussin autour d’une table basse, l’imposante carrure ombrée d’un homme respirait doucement.

[Nikita] – Qui es-tu ?

Il se tenait là, droit, devant lui, ses deux poings fermés, chacun de ses muscles contractés et le souffle violent.

[Noru] – Je crois que tu cherches un homme. Akabane Rôji.

Noru ouvrit ses grands bras et l’invita à s’assoir. Nikita devina son sourire narquois et moqueur. Il était dominé, littéralement terrassé par l’incompréhension tandis que son vis-à-vis gérait du mieux qu’il pouvait la situation, lui qui semblait posséder toutes les clés en main. Une nouvelle fois, Nikita eu l’impression de se faire balader. La sensation qu’on jouait avec lui était détestable, presque nauséabonde. Il aurait vomit, s’il n’avait pas assez de haine contre Rôji. Si bien qu’il s’assit.

[Noru] – Et je crois que je peux t’amener à lui.
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