La pièce était sombre. Dehors, on pouvait entendre le brouhaha ambiant de Suigara, étouffé par les cloisons de la baraque, à l’intérieure de laquelle le parquet craquait de partout. Depuis le toit, des gouttes d’eau filtraient, rythmant l’endroit d’un cliquetis à la fois incessant et pénible. Les escaliers qui menaient à la salle devinrent soudain très bruyants. Des pas lourds et durs les montaient, tandis qu’un homme semblait crier. On l’entendait de plus en plus fort, se débattant et implorant quelqu’un.
La porte fut défoncée, avec une force suffisante pour la creuser d’un trou. Aussitôt que quelques uns des morceaux de bois qui la composaient finirent leur chute contre le sol humide de la pièce, un homme d’une carrure impressionnante, suivi de quelques autres apparurent, et jetèrent l’individu par terre, dans un grand bruit sourd. C’était un jeune homme, aux yeux noirs et à la chevelure de jais, qui ne cachait plus sa peur. Remis de sa chute, il se mit en position assise, ne quittant pas de ses yeux effrayés ceux qui l’avaient pris au piège en cette maison du Marché Noir. Sur les fesses, les mains posées contre le parquet, il commença à reculer avec panique tandis que les ombres dans l’entrouverture de la porte avançaient vers lui. Il était piégé, comme un rat.
[Zul] « Non, non non. Je… Issei Keichi vous, je... Je devais venir vous retrouver, vous êtes… S’il vous plaît ne me tuez pas ! »
Un homme à l’aspect sombre et inquiétant écarta d’une injonction les armoires à glace qui le protégeaient depuis lors. Il marcha tranquillement vers le garçon, marquant chacun de ses pas d’une mélodie mortuaire. Une fois juste devant sa proie, il s’accroupit, et tous deux se retrouvèrent nez à nez. Il l’observa quelques instants, puis s’exprima à son tour, d’une voix des plus glaciales.
[Issei Keichi] « Oui. J’ai besoin de toi. Ces foutres des Villages m’ont pris au piège lorsque je t’ai créé toi et tes congénères. Mais j’ai pu tous les retrouver, sauf toi. C’est chose faite maintenant. Laisse-moi te conter une petite histoire… »
D’une main froide et brutale, Issei écrasa le visage de Zul contre le sol, l’y plaqua, et lui susurra à l’oreille comme un serpent.
[Issei Keichi] « C’est l’histoire d’un chirurgien, qui jamais n’a raté une opération. Un jour, il se rendit compte qu’il était capable de plus, bien plus que ce qu’on lui avait permis de faire. Il pouvait défier la corruption de la chair, et avec elle la mort. Certains disent qu’il était même parvenu à donner la vie. »
Il s’arrêta un instant, avant de reprendre.
[Issei Keichi] « Il s’était mis en tête de créer des enfants parfaits, ceux qui le serviraient et le chériraient pour toujours. Mais le soir de leur naissance, le chirurgien ne put que constater qu’il avait été piégé et suivi depuis des années, et dû abandonner ses créations. Ses enfants grandirent sans lui, chacun dans un des foutus Villages Cachés, et la plupart devinrent fous. Le chirurgien avait réussi à leur offrir un don, une maîtrise génétiquement inégalable à terme d’un art de combat. Lui seul détenait la clé qui permettait de libérer leurs talents. »
Il tira les cheveux de Zul en arrière, et s’approcha un peu plus de son oreille, jusqu’à en être à quelques millimètres.
[Issei Keichi] « Mais avec l’expérience et le temps, ses enfants furent dépassés, le chirurgien était capable de meilleures créations, et surtout, il se rendit compte qu’il avait omis en chacun des génomes une erreur primordiale capable un jour de lui porter grand préjudice, la même erreur qui avait permis à chacun de ses enfants de le retrouver un jour d'eux-mêmes, attirés par son Chakra. »
L’Eisei-nin sortit une lame étrangement forgée, d’une belle facture, semblable à un coutelas de maître.
[Issei Keichi] « Alors le chirurgien fut très triste, et comme il ne souhaitait pas être un jour compromis, il retrouva ses fils et filles et… les tua tous. Jusqu’au dernier. Tu es le dernier. »
Zul n’eut pas le temps de hurler que déjà la lame froide et aiguisée traversa sa gorge. Il ne put que sentir quelques instants son sang se vider par son cou, avant de tomber dans la noirceur éternelle de la mort. Ses yeux se fermèrent pour la dernière fois.
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