Saitama vit le vil voleur renversé un étal, la liste de ses forfaits s’allongeant encore. Cela ne resterait pas impuni, son Dieu de justice et d’équité ne laisserait pas une chose pareille arriver ! N’hésitant pas une seconde, le prêtre sans domicile fixe, si ce n’était le monde, fonça dare-dare à travers l’étal, essayant de ne pas abîmer ou piétiner les marchandises tombées par terre. En même temps, un étal, comme ça, au milieu de la rue, en pleine nuit… S’il avait été soupçonneux, il aurait dit que c’était des biens tombés de la charrette, ou de contrefaçon, qu’un vendeur, sans doute un immigré clandestin, tentait de refourguer à des touristes crédules.
Mais comme il n’y avait pas vraiment de touristes, ni d’immigrés clandestins, et que Saitama n’était pas vraiment soupçonneux de nature, il se dit juste qu’un pauvre homme travaillant jour et nuit pour nourrir sa famille et survivre venait de se faire partiellement détruire son gagne-pain par un voleur inconséquent. Sans même parler des déprédations subies par la voie publique lors du Doton. D’ailleurs, il n’avait pas trop apprécié ça, quand une vague de terre s’était abattue sur lui. Il avait même dû laisser son sac de marin derrière lui. Il espérait que Sanae le prendrait.
En parlant de Sanae, son jutsu était plutôt super, ils avaient failli attraper le shinobi avec. Failli. Mais il ne faillirait pas à la tâche, et le rattraperait coûte que coûte !
Saitama se concentra sur sa respiration. C’était bientôt l’heure de la prière, il valait mieux qu’il attrape le voleur avant, pour pouvoir s’y consacrer pleinement, sinon il avait le sentiment qu’il n’avancerait jamais. Bondissant par-dessus les derniers décombres de l’étal, il sentit vaguement quelque chose s’accrocher à son pantalon, sans y prêter vraiment attention. Ce n’est que lorsqu’un horrible tintement métallique retentit sans interruption à chacune de ses enjambées qu’il jeta un rapide coup d’œil vers le bas. Une petite théière en étain dont le couvercle faisait un boucan d’enfer ne le lâchait pas.
Un autre coup d’œil droit devant lui appris que le voleur commençait à le distancer, slalomant entre les rares passants qui profitaient de la chaleur nocturne pour se promener au milieu des quelques boutiques encore ouvertes signalées par un lampion, pour la plupart rouges. Saitama n’y avait pas trop fait attention en venant en fin d’après-midi, mais maintenant, il avait une très bonne idée de l’endroit où il se trouvait. Et les nombreux hommes de tous âges au regard fuyant aussi.
Baste pour la théière, pensa Saitama. Il la rapporterait plus tard. Surtout que les piétons, après avoir vu le voleur passer en zigzagant au milieu d’eux, s’écartaient au plus vite de son chemin. Au bout d’un moment, il se dit que ça venait peut-être du bruit qu’il faisait. Ca devait les effrayer, et Saitama sourit en les voyant tous se rencogner à l’ombre des murs. Il sourit encore quand il entendit un ‘’Au voleur !’’ derrière lui. Ces braves gens allaient l’aider à traquer le voleur de vase et lui mettre le grappin dessus.
Son souffle commençait à se raccourcir fortement quand il vit la silhouette le fuyant percuter violemment une patrouille de shinobis. Ceux-ci s’empressèrent de le maîtriser, ne lui laissant rien à faire quand il arriva.
« - Bien le bonsoir, chers confrères ! Je suis Saitama, un aspirant du village, et je pourchassais cet odieux criminel que vous venez d’attraper.
- Dites-nous tout, fit le chef de la patrouille.
- Alors que ma coéquipière, qui devrait arriver incessamment sous peu, et moi-même étions en mission de protection d’un vase, cet individu dont la vilenie est inqualifiable a dépouillé une pauvre vieille dame d’un de ses objets les plus précieux ! Une course-poursuite s’est alors engagée, jusqu’à ce que vous l’attrapiez ! Le sagouin a même utilisé du Doton, causant ainsi d’importants dommages à la voie publique.
- Je vois.
- Il faut donc le mettre derrière les barreaux au plus vite !
- Avez-vous des preuves de ce que vous avancez ?
- Déjà, il porte un vase qui ne lui appartient pas, car c’est le vase d’une membre de l’association Des Hommes et des Fleurs. Ensuite, ses vêtements le rendent immédiatement suspect.
- Hého, là, arrêtez d’accuser sans preuve, intervint le malandrin. En parlant de vêtements, ou plutôt de leur absence, ce prétendument nommé Saitama est bien plus suspect que moi, y’a qu’à le regarder pour le voir !
- C’est faux, il a le regard fuyant du coupable !
- Ah ouais, mon regard il est fuyant ? Et mon poing dans ta gueule, il est fuyant ?
- Nulle attaque ne saurait navrer l’envoyé de Dieu.
- Regardez ce fou ! En prison direct, si vous me demandez !
- Mais justement, on vous demande pas, alors bouclez-la, tous les deux, coupa le capitaine. Et vous, là, c’est pour quoi ? demanda-t-il à un homme d’âge moyen qui venait d’arriver, en se tenant le côté et en ahanant bruyamment.
- Alors… voilà… je poursuivais l’individu qui m’a volé une magnifique théière en étain d’origine.
- En plus d’un vase, il a volé une théière ?
Il voulait jouer à la dinette ou quoi ?- Non, pas lui, l’autre, celui qui est à moitié nu. Elle est même toujours accrochée à sa ceinture, là, v’voyez. »
Saitama jeta un regard surpris vers le bas, puis se prépara à répondre :
« - Est-ce vrai ? le coupa le capitaine.
- C’était un accident, je poursuivais l’autre voleur et…
- Il s’est enfui avec ma théière !
- J’allais la rapporter, une fois le voleur attrapé !
- Bon, mais de toute façon, on a pas de preuve, pour le moment. Je vais vous mettre tous les deux dans les geôles, on verra demain matin si cette prétendue coéquipière viendra avec la personne volée. Pour ce que est du vol de la théière, on verra aussi demain. »
C’est ainsi que Saitama se retrouva dans la même cellule que le voleur qu’il pourchassait. Au moins, il l’avait rattrapé, c’était sûr. Après avoir effectué sa prière sous la moqueries et divers quolibets de son camarade de prison, il chercha à lui tirer les vers du nez, mais l’autre jeune l’ignora ostensiblement. Il abandonna alors, se rencogna dans un coin pas trop insalubre et s’endormit. C’était que la course l’avait fatiguée.
Une poignée d’heures plus tard, il fut réveillé par un tintement métallique qui s’avéra être un garde qui tapait sa lance contre la grille de la porte.
« - Debout, là-dedans ! On a trois témoins, on va vous faire passer en jugement rapide. »
Ils furent rapidement introduits dans une salle comportant une longue table en bois et largement trop de chaises. Une fois assis, le garde fit entrer la vieille dame du pot de fleur, Sanae, et le marchand de quincaillerie.
De là, tout se déroula sans anicroche, et Saitama fut libéré. Ne lui restait alors qu’à aller chercher son balluchon chez Sanae puis il pourrait repartir vers de nouvelles prières et aventures !